Au moment même où certains milieux parlent de réévaluer le dinar algérien, des sources concordantes affirment qu'une autre partie penserait sérieusement à le dévaluer davantage. Histoire de lutter contre le marché parallèle, dit-on! La question de l'appréciation de la monnaie aurait été, pourtant, encore plus intéressante si elle avait été posée autrement. Qu'est-ce donc qui pousserait les Algériens aujourd'hui, à aller s'alimenter sur le marché parallèle de la devise n'était le fait que la monnaie algérienne est loin d'être une valeur «refuge»? La dépréciation continue du dinar n'est-elle pas derrière cet intérêt particulier des Algériens pour la devise ou encore pour les valeurs immobilières, soucieux qu'ils sont de trouver une valeur sûre pour leur argent. Aussi, se demanderait-on avec raison ce qu'il adviendrait d'une monnaie qui aurait perdu la confiance des consommateurs, car il ne faudrait surtout pas se leurrer: déprécier encore une fois la monnaie algérienne au moment même où les discours politiques parlent d'embellie financière est non seulement surprenant mais dangereux. Les quelques directeurs de banque que nous avons pu joindre ont réellement manifesté leur inquiétude. Tous sont unanimes pour dire qu'une décision de dépréciation dans les conditions actuelles est une «erreur». «Les banques sont en surliquidités même si le taux d'inflation reste inquiétant», observe un directeur de banque privée. Ce dernier d'ajouter également qu'il existe, à l'évidence, «d'autres moyens pour lutter contre le marché parallèle» et d'affirmer que la dévaluation «n'est certainement pas la solution». Les observateurs insistent, en outre, sur les terribles répercussions d'une énième dévaluation sur les citoyens algériens. «La population sera la première à ressentir, lourdement d'ailleurs, les effets d'une nouvelle dépréciation», commente un cadre financier. Sur le terrain, les consommateurs payeront les produits et les services encore plus chers. Les produits de large consommation ne pourront qu'enregistrer une hausse significative, pénalisant davantage les ménages à revenus moyens. Une dépréciation affectera, par ailleurs, les crédits à la consommation qui seront encore plus lourds à assumer: il faudra inéluctablement payer davantage et la contrainte des délais de remboursement sera encore plus douloureuse. Rien ne dit, en effet, que l'approche de la dévaluation inciterait à consommer moins aujourd'hui pour consommer plus demain. Il est sûr, toutefois, qu'une telle approche bloquerait nécessairement l'épargne puisque les ménages préféreraient désormais investir vite leur argent dans des valeurs immobilières, par exemple, ou se précipiteront vers les marchés parallèles de devises pour les échanger plutôt que de les placer dans les banques à des taux d'intérêt très bas. Cela pourrait ressembler à un encouragement pour les placements directs. Ira-t-on pour autant vers une économie de marchés financiers où les placements seront réalisés directement par les entreprises ou les particuliers? Tout semble indiquer que non. Dévaluer le dinar ne fera, en fait, qu'affermir encore plus une économie d'endettement. Une économie où les banques seront les seules à pouvoir financer les entreprises tout en assurant leur refinancement auprès de la Banque centrale. C'est dire finalement que l'intérêt sera toujours celui de la perception des flux du moment qu'il n'est pas possible d'encourager les valeurs des titres si la monnaie locale est, continuellement, dépréciée. Que dire encore des investisseurs qui, certainement alléchés par le coût infime de la main-d'oeuvre algérienne, continueront de faire leurs transactions en usant d'une valeur stable comme l'euro ou d'une valeur forte comme le dollar. Que dire également des entreprises algériennes qui pensent réduire leurs coûts de production si les coûts d'achat sont encore plus pénalisants? Que dire enfin de la force de travail des Algériens qui est dix fois moins appréciée que celle d'un citoyen vivant dans le Bassin méditerranéen? Lui faudra-t-il désormais cumuler le salaire moyen de dix mois pour pouvoir s'acheter un outil aussi indispensable qu'un micro-ordinateur tandis qu'il suffira à son voisin de France de la moitié d'un salaire moyen?