Les dernières augmentations de salaires n'ont apparemment pas eu une grande incidence sur le pouvoir d'achat du citoyen. C'est pourquoi des voix s'élèvent pour la réévaluation de la monnaie nationale. La question des salaires a été, hier, au centre d'une table ronde au forum d'El Moudjahid. L'Ugta et le ministère du Travail ont débattu sur la récente augmentation des salaires d'autant qu'ils divergent sur des points concernant les conditions de rémunération. Pour Lakhdar Badredine, chargé des questions économiques à l'Ugta «les salaires sont liés au pouvoir d'achat qui ne cesse de se dégrader». Autre élément qui participe à cette érosion, celui de la dévaluation constante du dinar. «Nous ne pouvons pas augmenter les salaires sans la valorisation du dinar», a souligné le représentant de l'Ugta qui reste convaincu que «le travailleur algérien ne doit pas être un pauvre, mais doit disposer d'un vrai revenu». Il s'est d'ailleurs montré critique quant à la dernière «augmentation des salaires qui n'a pas réellement profité aux travailleurs du fait qu'il y a augmentation des produits de base, du loyer et du transport». Pour sa part, M. Bourbia, représentant du ministère du Travail, a rappelé les différentes évolutions des salaires en Algérie en insistant sur «la rémunération des compétences qui doit se faire sur la base de qualifications». Un point sur lequel les deux parties semblent relativement d'accord, mais la divergence est de taille concernant l'appréciation du cadre de vie des fonctionnaires et de la classe moyenne. Le représentant de la Centrale syndicale s'est montré incisif sur «la perte des cadres qui est une véritable hémorragie pour certains secteurs». C'est, en effet, la récente révélation du départ de 2 000 cadres de Sonatrach qui a servi d'argument pour Lakhdar Badredine qui a plaidé pour «une rémunération correcte des cadres». De son côté, Fodhil Zaïdi, directeur des statistiques au ministère du Travail, a assuré que «la revalorisation des salaires doit tenir compte des performances des entreprises notamment l'augmentation de la productivité». Le représentant du patronat, Driss Yalaoui, abonde dans le même sens. Il estime que «la motivation des travailleurs est l'élément qui participe à l'évolution de l'entreprise». Il reste dans ce contexte très peu d'éléments servant à mesurer l'indice d'évolution des salaires en Algérie. A ce propos, les représentants du ministère du Travail ont indiqué qu'une enquête sur les salaires sera lancée au cours du mois de décembre, afin de compléter celle qui a déjà été réalisée en 2005 sur les pratiques salariales. Avis d'un expert l Interrogé sur l'augmentation des salaires et la valeur du dinar qui demeure immuable, Amar Yahia, consultant en économie, explique que «toutes les analyses des experts ont démontré que l'augmentation des salaires n'a pas permis de récupérer les hausses qu'ont connues les prix des différents produits et encore moins d'améliorer le pouvoir d'achat jugé toujours précaire». Toutefois, avec la relance économique et le prochain pacte social et économique, il est permis, selon notre interlocuteur, d'espérer qu'à l'avenir les Algériens pourront contrer les vicissitudes du temps. S'agissant de la politique monétaire algérienne, Amar Yahia estime qu'après la forte dévaluation qu'a connue le dinar dans les années 90, le gouvernement a opté «pour la stabilisation du dinar qui se rapproche aujourd'hui du taux de change réel». Ajoutant que «la valeur du dinar actuelle reflète une certaine réalité, car si l'on prenait le risque de le revaloriser, on réduirait la capacité d'exportation hors hydrocarbures et on affaiblirait davantage le pouvoir d'achat du consommateur». Autrement dit, «cette politique de maintenir le dinar à sa valeur actuelle correspond parfaitement à la réalité socioéconomique du pays».