Le groupe n'a rien perdu de sa superbe. Bien décidé à maintenir la flamme vive jusqu'au bout... Grande affiche collée au fronton de la salle Ibn-Zeydoun. La star de l'électro-raï ne fait plus dans la demi-mesure. Depuis qu'il s'est doté d'un bon manager, le sympathique Karim Laouas, qui prend à coeur leur carrière, le groupe Raïna Raï semble reprendre du poil de la bête en animant divers concerts. Bien pris en main, une nouvelle page dans leur histoire vient de s'ouvrir. De toute façon, le groupe n'a plus rien à prouver aujourd'hui. Les pros sont là, prêts à offrir le meilleur d'eux-mêmes et surtout, contrairement aux autres, à durer dans le temps, bien décidé à fêter leur 40 ans même! Mercredi soir, Raïna Raï s'est produit devant une foule de jeunes gens en délire. Des jeunes qui avaient le même âge que le groupe soit plus de 20 ans! Une jeunesse avide d'évasion et de sensations fortes. Il y en aura ainsi en avalanche. Les accords culminants de celui qui est considéré parmi les 10 meilleurs guitaristes au monde, Lotfi Attar, vous font fondre de plaisir. Que d'émotion se dégage de cette lancinante guitare électrique. Un jeu malléable et souple qui répond au reste de l'ensemble, à savoir Zoheir à la basse, Noredine aux percussions, Sofiane au sax soprano, Dahmane au clavier, le superbe Hachemi Djellouli à la batterie et, bien sûr, Kada, la voix raï du groupe. L'entrée instrumentale est, comme le veut la tradition, du pur diwan-bluesy. Un prélude d'emblée captivant. De toute façon, le groupe a acquis à sa cause le public qui au quart de tour des notes, se «jette» en bas de la scène pour se laisser allègrement entraîner par la joie communicative de cette musique déchaînante. C'est avec de Laâlaoui que soutient le son du sifflet que le concert est entamé. Cette initiative louable revient au Centre culturel français avec la collaboration des Doc's, un groupe de deux jeunes médecins, Redouane et Sofiane qui ont pour particularité d'organiser fréquemment, ce genre de manifestations pour la «survie» de la scène culturelle dans notre pays. Des spectacles et des soirées animés un peu partout...et ce soir, ce petit grain de sel qui fait la différence est de mise pour que le concert soit à la hauteur. Les musiciens de Raïna Raï vont, en effet, jouer avec leurs tripes à la grande satisfaction de leurs fans. Bien chauffé, c'est une invitation «au thé» servi par El Bayda à laquelle le public est convié sous les mélodies lancées par Kada qui entonne: «Ouaelach ouaelach tkhasemna, oua bla seba tfarekna». Et de lâcher: «Mayna alaylkan, hna fort!» Kada enchaîne les morceaux fi khater les «Alger-biens» insiste-t-il sincèrement. Au fur et à mesure que le temps passe, la locomotive Raïna Raï avance en accélérant, redoublant la cadence de son rythme. La température monte dans la salle. Les corps vagabondent et bougent, pris dans le filet des sonorités «électro-choc» et ce raï made in Sidi Bel Abbès. Khalti Fatima, Zoudj huidjat, Tayla, Ahmed Zabana, autant de succès qui seront servis avec plein de verdeur et d'énergie. Le public reprend en choeur les refrains d'«anthologie». Saturé, le son de la guitare déverse son flot «d'adrénaline». Le champion de la glisse sur le manche met la fièvre par le son qu'il arrive à créer. De la même veine que Clapton ou Jimi Hendrix dont Lotfi a fait l'apprentissage musical. La salle est à la limite de l'embrasement, Kayn Eleyl. La nuit est là, pour en témoigner...Le raï de Raïna Raï est -hek-. Il est -hakda-! et pas autrement. Un raï spécifique qui a fait depuis des émules parmi les jeunes formations d'aujourd'hui comme Gnawa Diffusion, Index...lesquelles sont fortement influencées par ce groupe des années 80. Un hommage à Hasni est rendu en version instrumentale. L'ambiance tamisée, est matinée de briquets allumés ici et là. Une ballade intimiste. Et le rythme reprend le dessus jusqu'à frôler la frénénie, Raïna Raï sait faire du rock aussi. Un rock -dialna-, mais talentueusement universel, qui n'a rien à envier aux autres. -Zina- est bissée dans l'apothéose la plus complète. Les mains au ciel, on continue à danser jusqu'à l'ultime exploration de cette vertigineuse musique. La salle Ibn-Zeydoun se tranforme en poudrière. Ses planches ont failli exploser. -Rebi yahfadkoum!- lancera Kada à l'adresse des jeunes, à la fin triomphale du concert de ce légendaire groupe. Le mythique Raïna Raï sera, ce soir, en concert exceptionnel au -Divan du Monde- en France. La première partie de son concert à Alger fut, par ailleurs, assurée par deux jeunes déjantés : Zoheir et Sid Ali du groupe de rap -Mana-, aux textes socioculturels revendicatifs et dénonciateurs. Une découverte plutôt bien appréciée par le public et rendue possible grâce à la générosité de Raïna Raï.