Cet homme est déterminé à mettre le cap sur des projets porteurs. Si le Président affectionne les bains de foule, comme celui des citoyens de la ville de Jijel, hier, c'est qu'il a certainement besoin de ce contact direct avec les Algériens, même si les aspects protocolaires se confondent facilement avec des impressions de folklore officiel. De Jijel, il tire sur Alger. Les intrigues de palais, la guerre des services et les considérations politiciennes le fatiguent, l'exacerbent. Alors, il explose. Visitant le port de Djendjen, il s'emporte en évoquant les combines de la mafia des containers. Fermement, il vilipende la gestion du port d'Alger. «Aucun container ne sera déplacé sans passer par le scanner», déclare-t-il. Dans la même veine, Bouteflika considère que les Algériens ne doivent plus évoquer «ce pont», allusion faite au fameux «pont des généraux», construit récemment à Alger et reliant le port à la route Moutonnière. L'import-import ne devra plus dicter ses lois. Mais Bouteflika ne s'arrête pas en si bon chemin, il rebondit sur les attentats qui ont ciblé les Etats-Unis pour dire que les conséquences seront graves pour notre pays. Parce que c'est une aubaine inespérée pour ceux qui entendent entretenir l'amalgame sur la violence en Algérie. «Nous devons arriver au degré zéro de violence», assène-t-il, afin d'entamer une véritable politique nationale. Cela s'appelle aussi la réconciliation nationale, une sorte de charte morale englobant les différents aspects de la vie publique nationale. Cette charte d'éthique ne pourra voir le jour dans un climat où la violence jalonne le quotidien algérien. L'insécurité peut nous mener à une «colonisation». C'est le terme employé par le Président. Une colonisation sous une forme encore plus pernicieuse. Les capitaux et les investissements découlant des opérations de blanchiment d'argent ne peuvent trouver meilleur créneau que dans un pays où le système économique est fondé sur les circuits informels des seigneurs de la guerre. Ici, le Président avertit: «Ceux qui bénéficient de privilèges qui vont à l'encontre de la Constitution» - cette catégorie d'affranchis - devront, selon Bouteflika, se ressaisir et rentrer dans le droit chemin, celui de la communauté nationale. Les années de terreur ont bouleversé le paysage social et institutionnel. Le Président renvoie, ici, chacun à ses responsabilités: «Les services de sécurité sont responsables de la sécurité du citoyen et de ses biens, publics ou privés.» Chaque corps d'Etat est invité à faire son examen de conscience, condamné que nous sommes, nous, Algériens, à vivre dans une République où la loi, seule la loi, est maîtresse. «Dura lex, sed lex», disaient les Romains, la loi est dure, mais c'est la loi. La ligne rouge est tracée. A l'occasion de l'inauguration de logements à caractère social à Ouled Aïssa, dans le nouveau Jijel, Bouteflika s'attaque aux «spéculateurs» de l'immobilier. «Ils construisent avec 100 millions de centimes et revendent le logement à 1 milliard», donne-t-il en exemple. Les barons du foncier, les spéculateurs, les magnats de l'import et les responsables locaux véreux sont la cible de la moralisation de la vie publique. A Jijel, hier, Bouteflika y est allé de ses coups de gueule, comme un homme décidé. «Seule l'urne tranchera», déclare-t-il. La légalité, en politique comme en économie, est pour lui la seule voie. C'est un homme décidé, seul, mais déterminé. «Je vis ainsi et c'est ainsi que je mourrai», confie-t-il.