Les artisans de l'arrêt du processus électoral en janvier 1992 n'ont pas résisté aux caprices du temps. Assurés de réussir leur coup en mettant en avant la logique des chiffres pour justifier l'éviction de l'ex-FIS du champ politique, ils n'hésiteront pas à s'appuyer sur l'Union générale des travailleurs algériens (Ugta), seule organisation de masse à se targuer d'avoir la capacité de mobilisation nécessaire pour faire face au raz de marée islamiste du 26 décembre 1991. Aujourd'hui, 10 ans après, le groupe n'est plus ce qu'il était. Preuve en est que Khalida Messaoudi, une des figures de proue du mouvement, siège dans un gouvernement aux côtés de personnalités ayant refusé de cautionner le -putsch- de 1992. Ceci, quand bien même la courroie de transmission, que représentait l'Ugta du défunt Abdelhak Benhammouda, s'essayerait encore à jouer un rôle politique dans une conjoncture nationale qui ne ménage pourtant pas de menaces et de dangers sur le front social. Pour l'Histoire, les législatives de 1991, dont le premier tour est fixé de nouveau au 26 décembre, coïncideront avec la flambée de la violence armée. En effet, moins de deux ans après l'attaque du tribunal de Blida par de jeunes islamistes (17 juin 1990), la caserne de Guemmar, dans le Sud-Est algérien est attaquée par un groupe armé et plusieurs militaires sont tués, le 29 novembre 1991. Aussitôt, le ministre de la Défense, Khaled Nezzar, accusera le FIS. Le premier tour, qui s'est caractérisé par une participation plus faible par rapport aux élections locales de juin 1990 (59% contre 65,1%), n'en consacrera pas moins l'élimination du RCD. Ce dernier, après avoir promis à Abassi Madani de ne pas le laisser remporter le scrutin sur un plateau de télévision, a appelé à «casser ce processus électoral». Tandis que le PRA, le PT et le FLN se déclarent respectueux de la volonté populaire au même titre d'ailleurs que les islamistes d'Ennahda et du Hamas. Quant au FFS, il a annoncé sa participation au second tour, et appelé à manifester le 2 janvier pour «sauver la démocratie» avec le slogan: -Ni Etat policier ni Etat intégriste-. Des histoires de leadership ont eu raison des partisans du respect du calendrier électoral. La démission forcée et précipitée du président Chadli Bendjedid, le 12 janvier 1992 sera suivie, le 15 janvier, de la mise en place du Haut comité d'Etat (HCE) engageant ainsi l'Algérie dans une longue période de «transition» qui dure encore. Le 9 février, l'état d'urgence est proclamé. A voir la recrudescence du terrorisme en Algérie, en ce début de janvier 2003, on ne peut s'empêcher de penser que la seule victoire des éradicateurs consiste en le maintien de l'état de siège en dépit de toutes les voix qui se sont élevées pour en fustiger les dérapages.