Nahnah sait plier les épaules pour atteindre son objectif final. Harakat Mujtamaâ Al Islami, Hamas, a été créé, en 1990, par Nahnah Mahfoud, son président actuel. C'est l'émanation du al Islah wal Irchad, une association créée également par Nahnah en 1988. L'interruption du processus électoral en 1991 et l'interdiction du FIS par le pouvoir ont donné au Hamas, parti prônant un islamisme réformateur et modéré, l'occasion de se présenter comme l'alternative islamiste. Celui qui devient en 1997 le MSP mobilise parmi les classes islamistes les plus favorisées et milite en faveur de l'établissement d'une république islamique à partir de la commande républicaine. Par sa participation à la vie politique, ce parti essaye de réconcilier la religion et la modernité, l'opposition au sein du gouvernement et pas l'opposition au gouvernement. Mais ce mouvement a des racines qui remontent très loin avant sa création. En effet, depuis l'indépendance, le MSP (ex-Hamas) a été représenté sur la scène politique par son chef charismatique. Arabiste, liée à la confrérie musulmane en Egypte, Mahfoud Nahnah, souvent habillé en costume-cravate, donne l'impression de l'adhésion d'une élite moderniste, néanmoins liée à l'Islam. En fait, le MSP embrasse une bourgeoisie du monde des affaires mais également des technocrates et d'une élite scientifique. La base sociale du MSP se distingue diamétralement de celle de la sphère de l'ex-FIS. Le mouvement base sa stratégie «sur commande» sur le respect du «prince». Une des indications de l'éloignement du cheikh Nahnah de l'islamisme radical. Il s'est opposé depuis 1988 aux radicaux (comme Ali Benhadj) qu'il qualifie de fanatiques. Au début, Nahnah a même été contre la formation des partis politiques islamiques avant d'en créer un. Pour le cheikh, c'est la société dans l'ensemble qui doit être reislamisée. Inspiré du fondamentalisme des années 40, il a fait de l'éducation morale, religieuse et de l'action charitable ses premiers pas vers la politique. La stratégie du Hamas-MSP, qu'on résume dans l'entrisme, consiste à se compromettre avec le système tout en faisant des concessions symboliques. Au temps du Hamas, il s'est montré ouvert et hostile au vieux FIS et au terrorisme. De la sorte, il peut puiser dans les classes moyennes qui n'ont de sympathie ni pour les partis démocratiques ni pour les islamistes radicaux. Economiquement, il a encouragé le commerce, l'entreprise privée... Le FIS étant interdit, Hamas, qui ne représente aucun danger pour le système, investit dans la participation aux différents scrutins. Le MSP dispose de 69 des 380 sièges de l'Assemblée nationale, ce qui fait de lui le second parti algérien après le Rassemblement national démocratique. Il fait partie de la coalition gouvernementale depuis 1996 et compte deux ministres dans le gouvernement actuel. Le MSP était représenté par cheikh Nahnah à l'élection présidentielle annoncée pour avril 1999. Le mouvement a cependant approuvé l'arrêt du processus électoral de janvier 1992 qualifié par les autres islamistes de coup d'Etat. Il n'a pas, non plus, signé le «Contrat national», l'appel pour la démocratie et la paix lancé en 1995 à Sant'Egidio par des représentants du FIS, du FFS et du Parti des travailleurs. Quoi qu'on dise, le mouvement de Nahnah a réussi à s'accorder la vraie légitimité en captivant une partie de la base du FIS. Nahnah sait plier ses épaules pour atteindre son objectif final. Avec la trêve civile, le gouvernement aura réussi à réduire le danger des radicaux islamistes et en même temps donné du crédit aux «modérés». Parce qu'il est éminemment politique, le jeu des islamistes modérés, largement représentés par le MSP, semble de ce fait être plus profitable que celui des radicaux.