On croyait la région de Blida désormais épargnée, mieux, définitivement délivrée du spectre des attentats terroristes. Hélas, il n'en est rien. Après un répit qui aura tout juste duré une année, voilà qu'elle renoue avec la terreur intégriste. Une semaine après le massacre de Maramane, nous sommes revenus sur les lieux pour recueillir les impressions des survivants et leur face-à-face avec ceux qui étaient venus semer la mort et la terreur aux portes de leurs maisons. Les yeux des habitants de Maramane sont encore rouges. Rouges des larmes abondantes qu'ils ont versées dans la douleur, la solitude, l'indifférence...Le sang des leurs a coulé et giclé à flots. Treize personnes dont des femmes et des enfants ont été massacrées la semaine dernière à coups de hache. Le petit village de Maramane, situé à environ sept kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Blida, où la misère se conjugue à l'isolement, en dépit de la richesse de la plaine alentour, aura vécu une nuit d'horreur que ses habitants n'oublieront pas de sitôt. Maramane. 14h30. La ruelle principale qui traverse le quartier martyr connaît une fréquentation plus que d'ordinaire. Les hommes et les jeunes, sous le choc, acceptent de raconter, en venant par petits groupes, les circonstances de cette terrible expédition punitive. Notre curiosité est attirée par la reprise des travaux d'électrification qui étaient à l'arrêt lors de notre première venue au lendemain du massacre. Toute une équipe s'affaire à mettre les dernières retouches pour que le courant arrive enfin après près de deux années de mise en veilleuse, laissant les habitants de ce bidonville seuls face à l'adversité qui vient de frapper aux portes de leurs misérables chaumières. Les jeunes fulminent de rage. Ils n'arrivent pas à comprendre pourquoi les gardes communaux, limités au nombre de quatre éléments seulement, dont la brigade est située à proximité de leur -haouch-, n'avaient pas pris leur défense à temps. Ils nous racontent dans une cacophonie incroyable, les circonstances du carnage en insistant sur le retard pris par les services de sécurité pour arriver sur les lieux: -Le carnage a duré une heure et demie. Ils nous ont tué treize personnes sans que quelqu'un vienne nous secourir-, lance Tahar, les yeux embués de larmes. -Regardez! C'est maintenant qu'ils sont venus nous brancher l'électricité. Nous avons vécu pendant des années dans l'obscurité, comme des animaux!-, ajoute un autre habitant.