Un tract truffé de versets coraniques et tiré d'un des livres du théoricien du mouvement salafiste Al Albani, recommandant aux femmes de se couvrir, est distribué dans les camps de toile. Les intégristes sont de retour. Le phénomène est récurrent. Il est aussi inquiétant. Le terrible séisme qui a frappé notre pays a fait le malheur de ces milliers de victimes à Boumerdès et à Alger ; mais il a fait aussi le… “bonheur” de certains : les islamistes intégristes. Un travail de fourmi est fait quotidiennement dans les camps des sinistrés et même dans les périmètres du séisme pour prêcher un discours moralisateur, voire intégriste auprès des populations traumatisées par ce qu'elles viennent de subir. Toute honte bue, des barbus en qamis et des femmes en hidjab sillonnent les misérables tentes des sinistrés à Boumerdès pour dicter les “règles” vestimentaires aux familles des victimes. Pendant que les hommes reçoivent les “conseils religieux” de la part des hommes en tenue afghane, les femmes sont sommées par leurs congénères islamistes de porter des habits amples comme le hidjab ou le djelbab pour se protéger du regard des hommes. Voilà le discours auquel les rescapés du tremblement de terre, qui ont perdu parents et enfants, ont droit depuis une semaine, au nez et à la barbe des responsables de l'Etat censés faire barrage à ces intrus. Exploitant la détresse et la douleur de ces familles qui, éplorées par la perte des leurs, des meutes d'intégristes trouvent une si malheureuse opportunité pour faire de la “dâawa” sur les décombres d'Alger et de Boumerdès. Par cette propagande de très mauvais goût, les intégristes en herbe ou accomplis viennent de franchir le Rubicon au moment où l'opinion publique nationale est traumatisée par le sort de ces populations. Tout le monde a fermé l'œil sur les opérations de distribution de vivres aux sinistrés par l'association El Irchad oua El Islah qui active sous la chapelle du parti de Nahnah ; un travail de solidarité au demeurant normal devant la lenteur des structures étatiques, incapables de réagir à temps réel, et c'est aussi de bonne guerre. Mais que l'on distribue des tracts dans les camps de toile appelant — presque en les menaçant — les femmes à se couvrir, il y a assurément péril en la demeure. Liberté a eu une copie d'un spécimen de cette littérature foncièrement salafiste dont des centaines d'exemplaires ont été écoulés dans les camps des sinistrés. Des femmes à l'accoutrement afghan, et chaussées de claquettes, font la ronde dans toutes les tentes abritant les familles, pour leur remettre le tract qui se décline comme une espèce de “conduite à tenir pour une femme musulmane”. “Al djelbab oua al hidjab fardh aâla al marâa” (le hidjab et le djelbab est une obligation pour la femme) voilà l'intitulé de ce document truffé de versets coraniques et tiré d'un livre du théoricien du mouvement salafiste Al Albani. Il y est notamment prescrit que la tenue de la femme musulmane ne devrait pas “ressembler aux habits de l'homme ni à celui des mécréantes”. Ils recommandent même les couleurs blanches, orange ou marron ! À croire que nous sommes encore aux années “bénies” du FIS triomphant et de l'intégrisme rampant. Au-delà du fait que les circonstances tragiques ne se prêtent guère à ce genre d'endoctrinement idéologique, il y a lieu de relever l'incroyable passivité sinon la permissivité des autorités si promptes pourtant à réprimer tout autre manifestation citoyenne ? Les barbus ont repris du poil de la bête en ces moments tragiques, et ils se payent même le luxe de faire la morale aux femmes journalistes. Beaucoup d'entre elles ont été admonestées par ces “gardiens autoproclamés de la morale” qui leur reprochent “leurs tenues osées”. Quelques-unes ont été même chassées, vertement et brutalement, des lieux où sont hébergés les sinistrés sous prétexte qu'elles sont “occidentalisées” et que les tremblements de terre et autre calamités naturelles sont des châtiments que Dieu nous inflige à cause d'elles ! En vérité, ces islamistes radicaux veulent s'adonner à leur besogne à l'abri des yeux des journalistes pour assurer le maximum de chance de succès à leur dessein. Il est vrai que c'est dans ce genre de circonstances que les “recrutements” se font dans les rangs islamistes en jouant allègrement sur la fibre divine pour faire avaler la pilule aux plus incrédules. Du reste, ce n'est pas surprenant de voir “ces polices des moeurs” expliquer aux malheureuses victimes le terrible tremblement de terre par une sorte de “vengeance” du Bon Dieu qui aurait constaté la déviation des Algériens du droit chemin ! Une explication qui ferait se retourner dans sa tombe Haroun Tazieff et même Einstein… Mais quand elle est reçue par des citoyens ployant sous la douleur et qui ne sont pas forcément lettrés, cela peut mordre facilement. L'intégrisme étant par définition le refus du progrès, le tremblement de terre du 21 mai peut être mis à profit par les adeptes de Hassan Hattab pour provoquer des tremblements de cœur au sein des sinistrés. À Dieu ne plaise ! H. M. Nouveau bilan provisoire Le nouveau bilan provisoire annoncé hier par Yazid Zerhouni fait état de 2 666 morts, 10 100 blessés dont 586 sont toujours hospitalisés.