Le musée situé au cœur de la rue Ben-M'hidi, à Alger, accueille une formidable exposition consacrée à l'“âge d'or des sciences arabes”. “J'ai fait ce que chacun devrait faire dans son travail : accueillir les réalisations de mes prédécesseurs avec gratitude et corriger leurs erreurs sans appréhension.” Cette citation d'Al-Biruni, qui ouvre l'exposition “l'Âge d'or des sciences arabes” au Musée algérien des arts modernes (Mama), en constitue le parfait contrepoint. Etudier ce qu'ont laissé leurs illustres aînés, Grecs, Indiens, mais aussi apports égyptiens, mésopotamiens, latins et même Chinois ; en premier lieu les traduire, les commenter, puis les dépasser par de nouvelles expériences. Ce credo, qui fut développé du VIIIe au XVe siècles, donna lieu à une fantastique aventure scientifique, une épopée dont les héros furent Ibn Sina, père de la médecine moderne, Al-Idrissi, auteur de la première carte du monde arabe, Ibn Al-Haytam, qui éleva l'optique au rang de science, Al-Khawarizmi, fondateur de l'algèbre, les frères Banu Musa, mécaniciens géniaux... Ces avancées provenaient de toutes les parties du vaste monde musulman, unifié par la langue arabe. Le Maghreb y prit sa part avec notamment l'astronome astrologue Al-Buni, qui serait né à Annaba, le juriste Ibn Qunfundh de Constantine, Al-Akhdari qui vécut à Biskra. L'exposition, très pédagogique, qui se scinde en trois volet — “Le ciel et la terre”, “L'homme dans son milieu” et “Les sciences et les arts” — est enrichie de supports didactiques, de manuscrits, mais aussi de nombreuses vidéos et de commentaires lumineux des professeurs Ahmed Djebbar, spécialiste de l'histoire des mathématiques et commissaire de l'exposition, Christophe Poché, ethnomusicologue, et bien d'autres. Elle se parcourt comme un beau voyage, scandé par des objets de légende comme l'astrolabe, ou les planches anatomiques extraites du “Canon de la science” d'Ibn Sina, de cartes, d'automates ludiques ou utiles du berbère Al-Firmas, et montre le très haut degré de technicité et de savoir-faire qu'avaient atteint les savants musulmans. Ceux-ci, à l'origine, ne considéraient d'ailleurs comme sciences musulmanes que l'exégèse coranique, le droit (inspiré de la charia) et la grammaire. Les autres disciplines, mathématiques, géométrie, physique, étaient appelées “sciences des Anciens”. Le rôle des savants arabes dans la traduction de ces travaux est fort bien mis en exergue dans cette exposition : les célébrissimes “Eléments d'Euclide”, base de la géométrie encore enseignée dans les écoles, les travaux et le serment d'Hippocrate, premier médecin de l'Histoire ont ainsi été sauvé de l'oubli. Même si, comme le dit le Pr Djerbal, “les Grecs avaient avancé dans la mathématisation de l'astronomie et de la physique”, les savants arabes ont su poursuivre leurs travaux, “en introduisant de nouveaux dispositifs d'une grande finesse”. L'exposition fait aussi place à un aspect mois connu de cet âge d'or scientifique et intellectuel qui aura duré près de 7 siècles : les échanges incessants qu'ont entretenu savants et artistes. Les savants arabes, comme les Grecs, considéraient ainsi la musique comme une discipline mathématique, recouvrant l'étude des intervalles, cœur de la notion même de rythme. L'architecture fut aussi le lieu privilégié de ces échanges avec comme emblèmes, encore présents aujourd'hui les palais de Grenade ou de Damas. C'est la seconde fois que cette manifestation itinérante initiée par l'Institut du monde arabe de Paris, fait un arrêt à Alger. Programmée une première fois à l'occasion d'“Alger, capitale de la culture arabe”, elle revient, plus complète et pour plus longtemps. Les Algérois, petits et grands, pourront ainsi en profiter jusqu'au 31 décembre prochain. Reste à espérer que l'on y organisera de nombreuses visites scolaires. Les élèves pourront y vérifier le bel adage gravé sur l'Assiette du Caire : “La science est d'un goût amer à ses débuts, mais à la fin, elle est aussi douce que le miel.” R. A. “L'Âge d'or des sciences arabes”, jusqu'au 31 décembre prochain, au MAMA, rue Larbi-Ben-M'hidi, Alger.