Si ce n'est pour les besoins d'une campagne électorale, pourquoi le Président évoque-t-il les réformes de l'école et de la justice en ces moments dramatiques ? Dans son discours, avant-hier, le président de la République a été particulièrement virulent envers les islamistes qui “utilisent l'islam à des fins propagandistes”. Abdelaziz Bouteflika cible surtout ceux qui se sont érigés en conseillers, infestent les camps des sinistrés et “profitent de la douleur du peuple pour passer leur message”. “Qu'ont-ils fait pendant les dix dernières années, sinon tuer des enfants et des vieilles ?” Etonnante sortie pour un Président qui, quatre ans durant, a été plutôt “cool” avec les islamistes qui ont eu droit à toutes sortes d'éloges. D'aucuns s'interrogent, aujourd'hui, sur cette sortie de Bouteflika qui concédait, il y a quelque temps, des “Monsieur Hattab” à un chef d'une organisation terroriste. Jamais l'islamisme n'a connu une telle réhabilitation que depuis son arrivée à la magistrature suprême en avril 1999. Paradoxale et surprenante est la teneur du discours du chef de l'Etat qui vient de découvrir qu'il existe bien des gens qui “veulent faire de la souffrance du peuple algérien des fonds de commerce aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays”. Ce qu'a généré l'islamisme comme souffrances aux citoyens durant plus d'une décennie n'est-il pas suffisant à ses yeux pour adopter une position aussi tranchée que celle qu'il a mise en évidence avant-hier ? Bouteflika aura attendu de voir les militants islamistes à l'œuvre au lendemain du 21 mai dernier pour les traiter “de maquignons de la politique”, parce qu'ils ont pris d'assaut les sites sinistrés pour répandre leur idéologie à la faveur de la fragilité psychologique des victimes. Tout porte à croire, en effet, que les critiques du chef de l'Etat relèvent plus d'une colère conjoncturelle que d'une conviction politique. Quand on l'écoute encore s'adresser aux Algériens et évoquer dans son discours les histoires de réforme de l'école et de la justice, au moment où ils font face à une terrible catastrophe naturelle, beaucoup d'interrogations s'imposent. Tous les problèmes, grands ou petits, disait-il, seront réglés. Le président de la République a le droit et même l'obligation de rassurer les citoyens, mais il y a quelque chose dans son discours qui prête à une certaine tonalité électoraliste. Parler de la réforme du système éducatif ou de celle du secteur de la justice dans des circonstances aussi dramatiques que celles dans lesquelles vivent des milliers de personnes, qui ont plutôt besoin de panser leurs blessures, ne peut-être interprété que comme une prétention politique, une campagne qui s'inscrit dans le cadre de la prochaine élection présidentielle. Les victimes du séisme et, à plus large échelle, les Algériens, n'ont ni le moral ni le cœur pour réfléchir, pour l'instant, à la refonte de l'école qu'on chante déjà depuis quatre ans et qui tarde à venir. Bouteflika, qui semble n'avoir pas perdu de vue l'échéance de 2004, n'a pas manqué de se jeter des fleurs, en laissant entendre que la solidarité internationale manifestée à l'égard du peuple algérien est surtout le résultat de sa diplomatie. Il a expliqué que “les positions politiques équilibrées de notre pays et les relations internationales basées sur le respect mutuel et la coopération avec tous les peuples” lui ont valu “estime et considération”. Bouteflika met, en fait, tout à son profit. Il aurait pu, cependant, se contenter d'un bref discours pour rassurer ses compatriotes de la mobilisation de l'Etat à leurs côtés. Le reste, tout le reste, n'est qu'un surplus politique chargé d'une forte dose électoraliste. S. R.