L'annulation du sommet prévu pour ce mois, constitue un indice de plus pour les observateurs avertis. Dans sa conférence de presse, Ahmed Ouyahia a eu beau se montrer rassurant, il n'en a pas moins admis l'existence de divergences minant sinon l'existence, du moins le fonctionnement de l'Alliance présidentielle. Un constat, en somme, qui vient confirmer et s'ajouter aux multiples analyses et déclarations faites à propos de ce regroupement peut-être en train de vivre ses derniers moments. «L'Alliance présidentielle dérange ceux qui ont été incapables de s'entendre, qu'ils soient islamistes ou démocrates». D'après M.Ouyahia, «des divergences existent bel et bien sur certains dossiers au sein de l'Alliance qui a soutenu Bouteflika dans son deuxième mandat», mais, signalera-t-il, «l'Alliance présidentielle ne veut nullement dire une fusion des trois partis». Une façon, somme toute élégante pour le chef de l'Exécutif en exercice, de tenter encore de sauver les meubles, histoire de ne pas être celui par qui l'éclatement viendra. Une approche prudente que le MSP ne semble guère partager, multipliant les sorties intempestives, contredisant les orientations de l'Alliance, voire même celles du président. Il en va de même pour les dirigeants du FLN, aigris par l'ascendant que prennent sur eux les cadres du RND, pensant que l'Alliance d'après la présidentielle n'a plus du tout le même sens. Ouyahia veut minimiser, et c'est de bonne guerre, la grogne qui commence à prendre de l'ampleur à l'intérieur du MSP au lendemain de l'amendement des articles du code de la famille. Même si le président du Mouvement pour la société et la paix a été légèrement égratigné par le chef du gouvernement lors de ses conférences de presse, rien n'indique, pour l'heure, une quelconque «dislocation» de l'Alliance. Ce qui est par contre sûr, c'est que la modification du code de la famille a provoqué beaucoup d'agitation au sein des adeptes de la polygamie. Après la rencontre organisée mardi dernier au siège du MSP pour dénoncer les amendements du conseil de gouvernement, voilà que ce sont les imams, pourtant contrôlés par l'Etat, qui prennent le relais, rapportait dans son édition d'hier un quotidien arabophone. Les mosquées ont encore servi à des prêches pour contrer la démarche gouvernementale. D'après les «prêcheurs», à l'occasion de la prière du vendredi, les autorités, en touchant au code de la famille, ont cédé aux pressions étrangères, notamment celle des Américains. Pour tous les imams, c'est l'Islam qui est directement visé. Bref, c'est une campagne bien coordonnée qui est en train d'être orchestrée afin de faire barrage à la démarche du président de la République. Entre des démocrates qui demandent l'abrogation pure et simple du code de la famille et la mouvance islamiste qui sort ses griffes juste après la modification de certains articles, le président Bouteflika devrait faire une véritable gymnastique pour préserver les «équilibres». La «levée de l'état d'urgence» et la «réforme de l'école», voilà encore deux divergences de fond qui empoisonnent l'Alliance présidentielle. Si pour Ouyahia, concernant la «réforme de l'école», la situation est normalisée, puisque, malgré le tollé des islamo-conservateurs, le «français sera enseigné en deuxième année dès la rentrée scolaire», ce n'est pas pour autant que les islamistes s'annoncent vaincus. A ce jour, le MSP et d'autres partis islamistes, qui flirtent tantôt avec l'opposition tantôt avec le pouvoir, affichent un niet catégorique quant à l'action du président de réformer l'école algérienne. Un autre problème également, et pas des moindres, est, à chaque occasion, remis sur le tapis par les islamistes. Il constitue, à l'instar de la réforme de l'école et du code de la famille, une divergence de fond. Il s'agit de l'état d'urgence. Maintenu malgré une situation sécuritaire qui s'est nettement améliorée, les islamistes en ont fait leur cheval de bataille, tout au long de l'accession de Bouteflika au pouvoir, mais le président de la République, dans sa démarche réconciliatrice, n'a jamais évoqué la levée de cet «état d'exception». Normal que le MSP considère le refus du RND de lever l'état d'urgence comme une attaque personnelle puisqu'il est l'auteur d'une proposition de loi abondant dans ce sens. Quant au FLN, c'est à peine s'il évite encore de crier au grand jour, que c'est le RND qui se trouve derrière le maintien de la crise en train de le miner. Le sujet, croit-on savoir, est évoqué régulièrement dans toutes les réunions internes du premier parti du pays, digérant mal le fait d'être supplanté à la tête de l'Exécutif. Malgré donc les «divergences fondamentales», l'on continue à affirmer que l'Alliance reste à l'abri des tiraillements. La meilleure preuve que cette Alliance vit peut-être ses derniers moments est bien le fait que le règlement intérieur, qui prévoit un sommet des trois, tous les trois mois, n'a pas été respecté. La rencontre qui devait regrouper Bouguerra Soltani, Abdelaziz Belkhadem et Ahmed Ouyahia dans le courant de ce mois a été reportée sans qu'aucune raison n'en soit fournie. Est-ce véritablement le début de la fin? Les prochains jours nous le diront certainement...