Le président péruvien Alan Garcia, ébranlé par un scandale de pots-de-vin qui a provoqué la chute de son gouvernement, a nommé un nouveau Premier ministre chargé en priorité d'éradiquer la corruption. Confronté à mi-mandat à une popularité en baisse (20%), la plus faible depuis son élection en 2006, le président péruvien a en outre à faire face à la résurgence de la guérilla maoïste du Sentier lumineux. Le Pérou vivait depuis une semaine une crise politique larvée avec la révélation d'une affaire présumée de pots-de-vin versés par la compagnie pétrolière norvégienne Discover à l'organisme public Petroperu, chargé d'attribuer les concessions d'exploitation. Et pour échapper à une motion de censure au Parlement où son parti, l'APRA, ne dispose pas d'une majorité suffisante, Garcia avait déjà renvoyé son ministre du Pétrole dans l'espoir d'éteindre l'incendie. Cela n'ayant pas suffi pour calmer la grogne populaire, Garcia, un social-démocrate qui mène une politique de libéralisation à tout crin, jusqu'à demeurer le dernier proche de Washington dans une Amérique latine récupérée par ses Latinos, a alors changé de gouvernement qu'il a confié à un sexagénaire, Yehude Simon, un politique indépendant qui se qualifie lui-même d'humaniste. Militant de gauche depuis vingt ans, il était jusqu'ici chef du gouvernement régional de Lambayeque dans le nord du Pérou, après avoir passé huit ans en prison sous le régime de l'ex-président Alberto Fujimori (1990-2000), qui l'avait accusé d'apologie du mouvement de guérilla d'extrême gauche MRTA. Le contrat par qui le scandale a éclaté a été rompu et la firme scandinave a abandonné ses activités au Pérou, tout en se disant victime de la part d'intermédiaires, dont l'un a été coffré. Les révélations de ce scandale ont eu l'effet d'une bombe dans un pays rengorgeant de matières premières et fort du record de la croissance économique en Amérique latine (9%) mais où plus du tiers de la population vit toujours dans la pauvreté. Le scandale des pots-de-vin a fait ressurgir dans la mémoire des péruviens la gestion calamiteuse de Garcia pendant son premier mandat entre 1985 et 1990, qui s'était soldé par la faillite des comptes publics et l'augmentation des attaques du Sentier lumineux. La résurgence de la guérilla s'est également confirmée, après une embuscade jeudi soir dans le sud-est du pays, qui a fait 14 morts, dont 12 militaires et 2 civils, constituant la pire attaque survenue depuis une décennie. Les affrontements entre l'armée et le Sentier lumineux, émaillés de massacres de civils commis de part et d'autre, ont fait environ 70 000 morts entre 1980 et 2000, selon la Commission nationale vérité et réconciliation. Le fondateur du Sentier lumineux, Abimael Guzman, a été condamné en 2006 à la réclusion à perpétuité, concluant un chapitre sanglant de l'histoire péruvienne, mais la guérilla a refait son apparition dans les zones productrices de coca, base de la cocaïne, dont le Pérou est le second producteur mondial. D. B.