Gilbert Laffaille revient en Algérie pour un concert-anniversaire. Le chanteur d'expression, comme il se qualifie lui-même, fête ses trente ans de carrière, ce soir au CCF, pour un récital piano-voix, au plus près du public. Liberté : Ce spectacle ce soir, au CCF, c'est une forme de retour ? Gilbert Laffaille : J'ai effectivement déjà fait une tournée en Algérie, il y une dizaine d'années. J'en garde un très très bon souvenir. Je ne connaissais pas ce pays. Ce fut une découverte pour moi. J'ai été très bien accueilli. J'ai été très touché par la nature et la chaleur des gens. J'ai donc hâte d'y être. Mais, bien sûr, ce soir, ce ne sera pas du tout le même spectacle. Je serai accompagné de Nathalie Fortin, une magnifique pianiste franco-québécoise, pour un concert piano voix. Une forme plutôt intime, dépouillée donc… Bien sûr. Ce dépouillement permet de faire mieux faire entendre le texte, ce qui est très important pour l'auteur que je suis, mais aussi la musique. Parce que cet échange repose sur de l'air, du silence. Il n'y a pas de nuisance, pas de bruit. Donc on peut parler, on peut s'entendre ; on peut entendre la musique, et le propos. On n'est pas noyé sous les décibels. Moi, je fais de la chanson d'expression. Il y a des idées, des sentiments, des paysages, des descriptions, des états d'âme… J'essaie de faire un travail de poète, il est donc important pour moi que les gens comprennent. Quand je suis sur scène, j'essaie de partager un univers avec le public. Vous fêtez vos trente ans de chanson… Absolument. Ce concert fait partie d'une tournée-anniversaire, soit trente ans de chanson. Ce sera une forme de rétrospective avec quelques-uns des “classiques” de mon répertoire, comme La tête ailleurs. Une sélection de chansons de toutes les époques, qui forment un tout. Dans votre jeunesse, avant la chanson, vous avez parcouru le monde, l'Asie, le Moyen-Orient, etc. Comment cela a marqué votre répertoire ? Ce fut une de mes grandes chances. J'ai été accompagnateur à l'âge de 25 ans, cela m'a permis de découvrir de très nombreux pays en travaillant, ce qui est beaucoup mieux que du simple tourisme. J'ai pu découvrir l'Asie, l'Indonésie, l'Extrême-Orient. Ce fut une chance extraordinaire. Je m'en suis servi pour quelques chansons comme L'homme du Gange. Ce genre d'expérience vous change complètement le regard. Après cela, j'ai vu la France différemment, je me suis vu différemment et j'ai vu le monde différemment. Vous avez débuté dans la chanson à la fin des années 1970. Votre premier album, sorti en 1977, est remarqué par Claude Nougaro. C'était une période particulière, où la chanson à texte avait le vent en poupe et émergeait une génération d'auteur-compositeur-interprète. On parlait à l'époque de Nouvelle chanson française… Effectivement, nous étions toute une bande à l'époque. Il y avait Francis Cabrel, Alain Souchon, Renaud, Yves Simon, Nathalie Malraux, et bien d'autres. C'était une époque où de très nombreuses personnes, programmateurs de radio et de télévision, étaient favorables au renouveau de la chanson. Des gens comme Pierre Bouteiller ou José Arthur, Claude Villers et quelques autres ont beaucoup programmé ces chansons sur les radios, ou même à la télévision. Nous avons effectivement bénéficié de ce climat-là : en quelques semaines, ces chansons touchaient des milliers de personnes. Nous pouvions ainsi faire des disques et des spectacles, le métier qu'on aime. Aujourd'hui, un jeune auteur aurait beaucoup plus de mal à se faire entendre, c'est beaucoup plus dur... Il y a de très bons jeunes chanteurs, mais le star-system a tout changé. Aujourd'hui, les chanteurs sont entourés de gardes du corps, portent des lunettes noires, circulent en limousine, il faut passer par des attachés de presse pour leur parler. À l'époque, on pouvait avoir Brel ou Devos à sa table après un bon spectacle. Parce qu'ils étaient des artisans, humbles, et obsédés par leur art. C'est une question de valeur… Durant vos concerts, vous alternez chansons et petits sketches humoristiques. C'est une démarche originale… C'est venu à une époque où j'ai écrit pas mal de chansons graves et… mon récital s'en ressentait (rires). Je me suis dit : “Quand même, je les aime ces chansons, je vais les chanter, mais il faut aussi que ce public qui vient me voir ne souffre pas pendant une heure et demie.” Au début, cela a beaucoup surpris, parce qu'un chanteur ça ne fait pas de sketches, ce sont les humoristes qui en font. J'ai mis quand même 10-15 ans pour les imposer, mais aujourd'hui, si je n'en fais pas, en France, on me les réclame… C'est une petite victoire pour moi, et j'y trouve beaucoup de plaisir. En plus, ça casse le rythme, ça relance… et, surtout, ça m'évite de me prendre trop au sérieux ! R. A. Gilbert Laffaille se produira ce soir à 19 heures, au Centre culturel français d'Alger (CCF). Entrée libre.