Un savoureux vent de nostalgie a soufflé jeudi soir dernier sur les jardins du Centre culturel français d'Alger (CCF) pour propager sous le ciel d'automne algérois une musique venue de loin faire revivre les délicates sonorités mêlées du music-hall d'Algérie. Le CCF a organisé en cette fraîche soirée de Ramadhan un concert rendant hommage à l'une des plus grandes figures de la musique populaire algéroise. Celui qu'on appelait «l'Oriental» parce qu'il était un peu «sentimental», celui qui s'est imposé à partir des années 1940 comme le chantre de la musique arabo-andalouse, de la chanson francarabe, celui qui a su mêler tous les genres pour créer son propre style : Lili Boniche, le crooner incontestable de la Casbah, qui s'est éteint il y a 6 mois dans une regrettable discrétion. Une demi-heure avant le début du concert prévu à 21h, toutes les chaises installées en face de la scène étaient prises alors que le monde ne cessait d'affluer. Jusqu'à l'entame du récital, tous les esprits se concentraient d'ailleurs sur la chasse aux places vides ou aux bons coins pour apprécier le show. L'organisation irréprochable dont le CCF a l'habitude de faire preuve n'a pas été au rendez-vous jeudi soir. La balance des musiciens a été réglée en présence du public, ce qui a failli entamer le charme du spectacle mais l'enthousiasme des Algérois qui ont répondu à l'appel de la nostalgie était tellement sincère que le plaisir est resté intact. 21h45, entrée des musiciens pour le début du voyage dans le temps. Sur scène : Salah Gaoua au chant, Varoujan Fau au luth et à la guitare électrique, Caroline Cuzin-Rambaud au violon et au piano, Bazou au mandole et à la guitare, Mohamed au goumbri et Mounia au chœur. Ces sept musiciens originaires de France et d'Algérie et provenant d'univers musicaux divers ont eu une semaine pour préparer le récital et ont choisi de rendre hommage à Lili Boniche en interprétant ses grands succès mais aussi des morceaux d'autres artistes de son époque. La voix incertaine, légère et même aérienne de Salah Gaoua qui, de coutume ; se plaît dans la musique kabyle a commencé par s'attaquer à un grand standard andalou : Ya kelbi kheli lhal yemchi aala halou. Place ensuite à des sonorités flamencos avec Mchat alia kalbi madjrouh puis à l'un des succès d'El Hasnaoui, Ya bnat el gherba, ya bnat assohba. Et c'est en interprétant Chahlet laayani que les musiciens ont réussi à enflammer le public présent qui, faut-il le souligner, était majoritairement composé de personnes âgées et de quelques petits «intrus» représentant la nouvelle génération. Mais comme il n'y a pas d'âge pour s'amuser, le public a fait preuve de beaucoup d'entrain spécialement lorsque les musiciens ont interprété les chansons dansantes, Dour Biha Ya Chibani, Dour Biha et Ayli Ayli hbibi dyali finhoua. Après l'ambiance enjouée et festive, place à un brin de mélancolie avec les incontournables Ana elwarka et Alger, Alger. L'enthousiasme a atteint son apogée avec le célèbre titre l'Oriental qui a mis encore, et une dernière fois, du baume aux cœurs nostalgiques venus se souvenir de ce qu'était l'univers musical du temps des Lili Boniche, Reinette l'Oranaise… F. B.