Les élus du front ont mené une attaque en règle contre “les pratiques du Président”. Les débats autour du nouveau programme du gouvernement entamés depuis hier à l'Assemblée nationale ont offert une tribune de choix aux critiques des députés. Ces critiques, censées cibler le programme de l'Exécutif, ont été, contre toute attente, dirigées contre le président de la République. Et ce sont les députés de la majorité, en l'occurrence ceux du Front de libération nationale (FLN), qui se sont relayés pour cribler d'attaques le premier magistrat du pays. Le principal reproche formulé à ce propos au chef de l'Etat a été les conditions de la destitution de Ali Benflis de son poste de Premier ministre. “Le limogeage de Benflis ne relève ni plus ni moins que d'une saute d'humeur et de calculs politiciens en rapport avec la présidentielle 2004”, a martelé sans détour Abderezzak Dahdouh, député FLN de Annaba. “Cette décision, précise-t-il, de démettre M. Benflis est une grave entorse à la démocratie.” “Car, explique-t-il, si la Constitution donne les pleines prérogatives au chef de l'Etat de limoger son Premier ministre, cette Constitution suppose s'adresser à des démocrates qui observent les règles de la démocratie et qui sont censés faire passer les intérêts du pays et la volonté populaire au-dessus de toute considération.” Ce qui signifie selon l'intervenant que “ce limogeage est contre toute légitimité populaire”. D'autant, explique-t-il, que cette décision ne fait pas cas du fait que le leader du FLN est “détenteur de la majorité dans les assemblées élues”. Aussi et concrètement parlant, le limogeage de Benflis ne repose sur “aucune raison objective”, indique le député de Annaba. Son argument est : “Le programme du gouvernement dirigé par M. Benflis a réalisé d'excellents résultats, surtout que, pour la première fois depuis 20 ans, on a enregistré un taux de croissance de 5,2% hors hydrocarbures et agriculture.” “C'est le dernier rapport du CNES (Conseil national économique et social, ndlr) qui l'atteste”, martèle-t-il à l'endroit de ceux qui peuvent l'accuser d'une prise de position partisane. Aux yeux de Dahdouh, “cela démontre que M. Benflis n'a pas démérité, loin de cela, mais il a eu beaucoup de mérites à redresser la croissance économique dans notre pays”. L'orateur laissera, par ailleurs, entendre que le FLN n'ira pas jusqu'à créer une crise institutionnelle en rejetant le programme du gouvernement : “Nous saluons la reconduction du programme du gouvernement Benflis, car il est sage dans le contexte actuel de continuer ce programme pour permettre la pérennité de l'Etat.” Même écho chez les autres députés FLN qui se sont inscrits en grand nombre pour intervenir lors des débats. Le député Messaoud Chihoub de la même formation politique a revendiqué en sus “la levée de l'embargo sur le statut de la magistrature et du Conseil supérieur de la magistrature (CSM)” opposée par le chef de l'Etat. Tout comme l'exigence d'un approfondissement des réformes structurelles a été réitérée par la député FLN, Nacera Aïchou. Les parlementaires du Mouvement de la réforme nationale (MRN) ont de leur côté emboîté le pas au FLN pour descendre en flammes le président Bouteflika. Le limogeage de Benflis est qualifié à cet égard de “séisme politique” par Lakhdar Ben Khellaf, député de la formation de Djaballah. Ce dernier s'interroge en outre : “Quel est le but de débattre d'un programme du gouvernement tant qu'il s'agit du même programme que celui du précédent Exécutif ?” C'est aussi la position développée par le Parti des travailleurs (PT). Selon Djelloul Djoudi, le président du groupe parlementaire de ce parti, “le programme du gouvernement étant la copie conforme du précédent, il est donc plus utile d'organiser un débat général sur le séisme”. Quant au RND, son groupe parlementaire a décidé de ne pas participer aux débats et de réduire l'intervention des députés à celle de son président du groupe parlementaire. “Nous voulons gagner du temps pour laisser le gouvernement descendre sur le terrain pour prendre en charge les sinistrés”, a expliqué, hier, Miloud Chorfi, chef du groupe parlementaire du RND. N. M.