Les causes immédiates et systémiques de la crise financière sont connues, mais il faudra du temps pour établir un diagnostic complet de ses effets sur les économies réelles. Cependant, trois types d'ajustement apparaissent déjà résultant en général de la perception qu'ont les uns et les autres de la sauvegarde de leurs intérêts nationaux, présentés souvent comme étant ceux de l'économie mondiale. Première piste mise en œuvre rapidement devant l'ampleur de la débâcle : le retour des Etats dans ce qu'il faut bien convenir d'appeler la sphère marchande (financière et réelle). Il ne s'agit pas de revenir ici sur les différents “plans” américain et européen faits pour, nous dit-on, assurer aux entreprises l'accès au crédit et garantir aux déposants leurs économies et leurs retraites en sauvant le système bancaire. Mais à ce sujet, certains demandent plus “d'Etat”. Félix Rohatyn, ex-conseiller financier de Clinton, parle de la nécessité pour l'Etat américain de rénover les infrastructures. Ainsi, dit-il, sur les 570 000 ponts que l'on trouve aux USA, 30% ne sont pas fiables. Pourquoi, s'interroge-t-il, l'Etat ne se préoccupe pas d'initier un grand plan de rénovation des infrastructures pour porter la croissance. À l'inverse, Parisot, la présidente du Medef français, réunit à Paris les patrons des patrons des cinq pays européens les plus puissants pour passer le message suivant aux Etats concernés : maintenant que vous avez mis la main à la poche, retirez-vous et laissez-nous faire. Qui sera alors entendu des deux ? Cela dépendra des élections américaines et des recompositions politiques en Europe. Deuxième piste identifiée : la nécessité de la refonte des institutions de Bretton Woods. La réunion prévue à Washington le 15 novembre 2008 pose déjà trois problèmes. Le premier est relatif à la légitimité de la représentation : l'Arabie Saoudite a été préférée à l'Opep, l'Union africaine n'est pas invitée, le Nigeria, l'Algérie et l'Egypte non plus d'ailleurs. Sauf changement de dernière minute, la lecture économique et politique de cette liste des participants est toute faite. Deuxième problème celui du timing qui est inapproprié en période de changement d'administration aux USA, ce qui explique la réserve quant à sa participation du sénateur Obama, s'il est élu. Troisième problème, le contenu à donner aux “principes de réforme”. Le nouveau système financier ne peut se contenter seulement de mettre de l'ordre dans son segment aval : gouvernance bancaire, paradis fiscaux, agences de notation. Il faudra bien poser sur la table des problèmes plus ardus à régler : balance des paiements des USA déficitaire (800 milliards de dollars) et celle de l'UE en équilibre instable, fluctuations de change des principales devises, mais aussi celles des monnaies chinoise et indienne. L'idée sous-jacente de faire payer les fonds souverains et la Chine et celle bien plus grave exprimée par le Premier ministre britannique de contester à l'Opep son rôle de régulation ne contribuent pas beaucoup à la construction “d'un système monétaire et financier international transparent, juste et équitable”. La réponse de l'Opep a été rapide, mais mesurée malgré la dégradation du prix du baril divisé par deux en trois mois : elle baisse sa production de 1,5 million de barils/jour seulement. En fin de compte, les incertitudes persistent et les Bourses y compris les cours du pétrole, continuent de réagir à la baisse en ce vendredi 24 octobre malgré ces deux annonces. Le dollar, quant à lui, continue de se renforcer par rapport à l'euro, mais descend à son plus bas niveau depuis 13 ans face au yen ! Troisième piste : le retour à l'économie réelle et au protectionnisme. Deux éléments vont conforter cette démarche : le retour inévitable de l'industrie face au système financier apparu fragile et la nécessité de sauvegarder les parts de marché interne dans une situation de récession généralisée. Une fenêtre d'opportunités s'ouvre car les prix des actifs industriels sont historiquement bas aux USA. Leur acquisition peut intéresser l'Algérie qui se prépare à mettre en œuvre une stratégie industrielle ambitieuse. Dans ce cadre, la bonne nouvelle pour la branche pharmacie est l'interdiction d'importer les médicaments produits en Algérie. On aurait dû le faire plus tôt. Mustapha MEKIDECHE [email protected]