Lorsqu'on parle de Cap-Carbon, les Oranais ont tout de suite à l'esprit la zone d'Arzew et sa corniche est.Lorsqu'on parle de Cap-Falcon, c'est le village balnéaire qui s'impose à l'esprit et surtout les turpitudes de ses plages, et lorsqu'on parle de Cap-Blanc... c'est le silence ; un silence gêné parce que le site n'évoque rien pour personne. En fait, Cap-Blanc n'est ni un port, ni un village, mais un bourg décousu, construit au gré d'une pente qui va droit sur la mer, à l'extrême ouest de la wilaya.Autant dire en dehors de toute circulation, loin des bruits de la ville et des clameurs des chefs-lieux, de tout axe routier. Il est sans doute le hameau le plus isolé et le moins accessible de tout le littoral du pays. C'est un douar marin qui n'a aucune attache. Et c'est ce qui fait peut-être son charme.D'ailleurs, il n'y a que deux moyens pour y accéder : par la mer en Zodiac ou par des départementales invraisemblables venant de l'arrière-pays. À partir de Sidi Hamadi, en prenant la direction de la côte par exemple, le paysage est certes bucolique, champêtre, incite même à la rêverie, mais il devient par moments angoissant. Par sa monotonie. Par son isolement. Très peu de voitures circulent sur la route et rares sont les bicoques construites en rase-campagne. Le silence pesant et la solitude des lieux ne rassurent qu'à moitié. Au fur et à mesure que l'on avance, la pinède devient de plus en plus dense de chaque côté des talus et le bitume, se réduit comme une peau de chagrin, puis, brusquement, on atterrit, après une dizaine de lacets étroits, droit sur le bourg. Un bien grand mot. Il s'agit d'un conglomérat de vieilles maisons basses de très mauvais goût, et, sans doute, édifiées à la hâte pour éponger un déficit criant en matière de logement rural. Bizarre cette architecture de Cap-Blanc dont rien ne rappelle la moindre blancheur et où les maisons s'égrènent une à une par rangée et par étages le long de la pente pour laisser place à des vergers qui s'arrêtent net au bord de la plage.En fait, des petits lopins de quelques ares dont les produits sont exclusivement destinés à la consommation locale. L'eau est rare ici, si rare que les fellahs ont construit leur propre bac de stockage au cas où...Quant à l'alimentation potable, les habitants en sont réduits à n'ouvrir leurs robinets qu'un jour sur trois, parfois quatre. Pour ce qui est du courant, il joue franchement au yoyo dans ces contrées où l'administration est à peine présente. Le jour où nous sommes arrivés par exemple, les villageois n'avaient même pas pris leur petit-déjeuner, car le seul boulanger avait été privé d'électricité. Autre curiosité de Cap-Blanc : en en plus que tous les anciens parlent espagnol ou catalan, les fellahs n'occupent pas la campagne, mais habitent le village devenu, par la force des choses, une grande ferme et les pêcheurs, qui sont un peu fellahs, y voient un refuge permanent pour leur embarcation quand ils ne résident pas toute l'année près des potagers familiaux. Un sexagénaire qui en a vu d'autres, nous prend alors à part pour nous dire toute sa peine devant ce village qui dépérit jour après jour. “À part l'agriculture et une pêche très artisanale, il n'y a aucun avenir pour les jeunes à Cap-Blanc, sinon le tourisme.” D'un geste de la main, il balaie l'horizon, l'œil en feu. “Regardez les trésors que ce village recèle : des plages en abondance, des forêts, des sources en pleine montagne comme celle qu'a captées le colon. Brunette, des îlots à proximité de nos berges comme l'île Sidi El-Habib et que nos parents et grands-parents, ont toujours appelés Leila, l'île Palomar, l'île Lourguima. C'est ça l'avenir dans cet arrière-pays : le tourisme qui créera des emplois et donc des richesses. Ecrivez-le dans votre journal, peut-être que vous allez pouvoir attirer l'attention sur nous”. M. Mohammedi