“Punta Blanca”, c'est le nom que les pêcheurs espagnols donnaient au petit village de Cap-Blanc à l'extrême ouest de la wilaya d'Oran. Construit sur un plateau aride qui domine la mer, Cap-Blanc est certainement la plage qui ne fait courir aucun estivant. D'abord, le site n'est pas très connu, ensuite il est sauvage et presque inaccessible — et pourtant 3 000 familles au moins y vivent toute l'année — et enfin il ne dispose d'aucune infrastructure, d'aucune commodité. Pas d'hôtels, pas de bungalows, pas de cafétérias, pas de fast-foods, pas de centres de loisirs et pas même un plagiste pour louer des parasols. On est loin du rush de la corniche, des amplis braillards au raï douteux qui fait rougir les étrangers de passage, particulièrement les familles. On est loin aussi de la noria de bus dont la navette entre Oran et la côte donne parfois le tournis. Bref, on est loin des couleurs qui donnent généralement tout leur charme aux vacances. Ici, à Punta Blanca, vous ne risquez pas de voir évoluer entre les flots ces jet-skis arrogants qui vous donnent l'impression de décoller à chaque fois qu'une forte vague soulève violemment leur proue, vous ne risquez pas de voir des voitures rutilantes à l'immatriculation étrangère et leurs équipages m'as-tu-vu, la radio lâchée à fond la caisse et qui se donnent l'illusion d'être heureux. Il n'y a rien de tout cela ici. La plage est ouverte à la baignade toute l'année et pour tout le douar, qu'il pleuve ou qu'il vente. Douar, c'est le terme que les habitants utilisent pour parler de leur communauté. Rares sont les Oranais qui connaissent les lieux. Deux ou trois familles d'entre elles ont pris l'habitude de camper chaque été au bord de cette berge sauvage mi-sable mi-galets. Elles y ont pris tellement goût qu'elles ont fini par se faire adopter par tous. Mais, il faut vraiment aimer la nature pour supporter toutes les privations du site. L'eau ici est plutôt rare et coule dans les robinets de façon épisodique. Les coupures de courant sont fréquentes et à répétition. Et les dégâts domestiques sont souvent irréparables. Malgré tous ces embarras liés au relief et à l'enclavement, et qui ne font sortir personne de ses gonds, les irascibles campeurs prennent leur mal en patience et se dépannent avec ce qu'ils ont sous la main. L'environnement magique de Punta Blanca mérite apparemment tous les sacrifices. D'ailleurs, quand arrivent les grandes chaleurs, alors même que Sonelgaz procède au délestage au village, les “Punta-Blancaises”, qui en ont vu d'autres, descendent en groupe à la plage, pique-niquent, font la fête à coups de tbal et de bendir bien sentis, se rafraîchissent debout dans l'eau puis se dorent au soleil sans se poser d'autres questions que celle-là : y aura-t-il de l'eau ce soir pour prendre une douche ? C'est comme cela que l'on prend la vie à Cap-Blanc, par le bout le plus simple. Les touristes et ce qui les suit, on préfère ne pas y penser. M. MOHAMMEDI