Immédiatement après l'Indépendance et durant une longue période, la censure frappait le domaine de l'histoire de la guerre d'Algérie, alors que des ouvrages paraissaient en outre-mer. La confiscation de l'histoire par les pouvoirs successifs s'est avérée contre-productive sur plusieurs plans. Elle faisait taire des voix autorisées comme témoins oculaires des évènements, d'une part. D'autre part, elle conférait ainsi plus de crédit aux livres les plus douteux, les plus subjectifs et aléatoires qui traitaient de la guerre. Mais plus grave encore, elle a été néfaste pour la société algérienne dans la mesure où la censure a engendré de flagrantes et sérieuses séquelles marquées par le phénomène de désintéressement sur le sujet, particulièrement auprès de la jeunesse. Aujourd'hui, la Bibliothèque nationale, qui dispose de plus de deux millions de livres en son sein, tente de rectifier le tir en proposant au large public un fonds bibliographique composé de plus de 300 ouvrages les plus interdits jadis. Le fonds comprend une monographie d'histoire classique, des périodiques (revues, bulletins, organes d'associations et d'organisations, journaux, coupures, etc.), des documents non-livres, des microfilms, des romans de fiction et des recueils de poèmes. Sur les 300 ouvrages, environ 200 titres ont été publiés pendant la guerre de Libération de 1954 à 1962 et le reste en période de post-indépendance. Parmi la pléiade des auteurs, on note des historiens de métier dont certains sont célèbres et ont été pourtant les plus controversés, des journalistes (algériens et étrangers), des acteurs/auteurs algériens ayant occupé de hautes responsabilités durant la guerre, notamment au GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne). Parmi ceux-là, on notera l'unique livre-témoignage inédit écrit entièrement en langue berbère et dont l'auteur est l'ancien officier de l'ALN Messaoud At Ammar (Oulamara Messaoud). Ils ont pour la plupart d'entre eux publié plutôt des mémoires. Egalement des ouvrages dans le même sens écrits par des anciens militaires et hommes politiques français. Les auteurs, à quelques exceptions près, nous proposent plutôt des récits où domine la simple description des évènements. Très peu de livres ont fait dans l'analyse, la critique, la portée et l'interprétation des évènements en rapport avec les bouleversements induits par le monde d'après la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, s'inscrivant dans la philosophie de l'ère de la décolonisation, la guerre d'Algérie n'est pas un événement spontané. Elle est l'aboutissement d'un long processus de maturation, de propositions et de négociations aussi multiples que diverses autour de solutions politiques qui avaient leur raison d'être. Plusieurs démarches ont été prospectées et proposées par des hommes politiques algériens allant dans le sens d'un règlement pacifique, intelligent et négocié de l'Algérie colonisée. Elles se sont toutes heurtées contre l'obstination des politiques français d'alors, appelés les “ultras” qui voulaient maintenir l'Algérie sous le régime des deux collèges. La France, qui sortait alors d'une période d'occupation par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale de 1939 à 1945, n'a pas su ou n'a pas voulu tirer les enseignements d'une telle situation. Les effets de la victoire des Alliés ont certainement été à l'origine de l'aveuglement de sa puissance réelle ou supposée qui l'engageront, après sa cuisante défaite au Vietnam, sur une voie impossible face à un peuple déterminé qui se soulèvera pour recouvrer, par les armes, sa liberté, sa dignité et sa personnalité. La guerre allait être meurtrière, mais elle était devenue la seule alternative à toutes les voies de recours engagées. Bien sûr que les ouvrages sous forme de récits sont utiles à l'interprétation, d'autant plus qu'ils contiennent des témoignages émanant directement d'acteurs annoncés connus et reconnus des deux pays en guerre. Mais en Algérie, plus de 45 années après, les éclairages par le système de l'analyse et de la dissection des évènements tardent à être réalisés, ce qui aurait encore davantage instruit sur le sens même d'une révolution. Plus qu'une simple curiosité, ils serviront de clarification et de référents de l'histoire. Pour exemple, la prise des armes par le peuple algérien a provoqué plus de quatre tentatives de coups d'Etat au sein même de l'Etat français, considéré alors comme quatrième puissance militaire mondiale. Il sera ébranlé et menacé même d'une guerre civile. Une nouvelle république (la quatrième) naîtra par le fait de la guerre d'Algérie. Ce sont autant de faits directement liés à la guerre qui méritent bien des études et des axes de recherche utiles à une meilleure compréhension des faits. A. A.