En abordant devant les députes l'affaire d'El Khalifa Bank, Ouyahia a préféré jouer la carte d'un discours “solvable” dans lequel il s'armera de chiffres jusque-là inédits. Cette banque a fait perdre à l'économie nationale “100 milliards de dinars partis en fumée”, lâche-t-il vraisemblablement à l'adresse de ceux qui militent pour un retour ou un sauvetage de l'établissement de Abdelmoumène Khalifa. “Dans cette affaire, reconnaît-il, on a été blousés”, avant de déclarer que personne ne connaît la destination de cet argent. Revenant sur le patrimoine réel du groupe privé, il dira que celui-ci dispose en toute propriété de seulement 2 ATR et 2 hélicoptères, par ailleurs, traînant une dette de quelques dizaines de millions d'euros auprès des assureurs. Très à l'aise sur ce dossier, le Chef du gouvernement indique que “le mythe Khalifa s'est effondré”, non sans s'interroger sur l'absence des mécanismes de contrôle et de gestion, allusion sûrement aux autorités monétaires chargées de cette mission, avec, à leur tête, la Banque d'Algérie et les services de contrôle. Dans un langage franc, il énoncera des chiffres “dépolitisés”, notamment sur le nombre des petits déposants, clients d'El Khalifa Bank. Ils sont au nombre de 250 000 pour lesquels, confirme-t-il, des remboursements allant jusqu'à 600 000 da vont être assurés par le biais du Fonds de garantie des dépôts. Mais il n'en sera pas de même pour les gros déposants, notamment les gestionnaires des institutions et entreprises publiques mis devant leur responsabilité, selon Ouyahia, qui indiquera clairement : “Ces derniers ont été tentés par le taux d'intérêt de 17%. Je les comprends bien, mais le fait est là : la banque a fait faillite.” Ces responsables du secteur public qui ont opté pour El Khalifa Bank sont mis face à leur responsabilité, laisse-t-il entendre et “devront répondre de leur initiative devant la justice”, poursuit-il sans équivoque. Une déclaration qui risque d'avoir son poids dans les prochains jours dans le milieu des entrepreneurs publics, d'autant que d'aucuns avaient laissé entendre que des injonctions avaient été données “d'en haut” pour opter en faveur d'une domiciliation à El Khalifa Bank. L'interrogation que soulève Ouyahia doit en revanche permettre de savoir si les responsables des entreprises publiques n'ont pas été eux aussi “blousés” et s'ils n'avaient pas plutôt essayé d'engendrer des bénéfices à leurs entreprises de manière légitime en répondant à un taux de rémunération de 17% affiché publiquement par la banque privée sans qu'aucune partie officielle vienne crier au piège. Ouyahia a, en outre, omis d'évoquer la gestion de l'agrément au nom duquel El Khalifa Bank avançait à une allure dévastatrice, entraînant dans son sillage un pan important de la crédibilité de l'Etat, et sa signature vis-à-vis des partenaires étrangers dont certains ont laissé des plumes dans cette affaire. Abordant le sort des travailleurs du groupe privé, le Chef du gouvernement met en avant dans son discours le respect des règles du marché. “Ils ont tenté l'aventure”, dit-il et ils n'ont qu'à assumer leur choix après avoir eu l'occasion de gagner des salaires faramineux. Le message est on ne peut plus clair : l'Etat ne peut pas prendre en charge les employés du groupe, victimes de cette faillite. A. W.