Les députés de Djaballah et ceux de Nahnah auront entendu des vérités qu'ils n'étaient pas habitués à se voir jeter ainsi à la face. Attaqué personnellement durant deux jours de débats à l'APN par les députés du MSP et ceux du MRN, le Chef du gouvernement Ahmed Ouyahia a été, c'est le moins que l'on puisse dire, sans pitié à leur égard. Dans une prestation discursive où le ton de l'ironie le disputait au langage des chiffres, à l'humour et aux mises au point, l'inamovible Ouyahia a été fidèle à son style : le lynchage public de ses contradicteurs. Incisif, décisif et corrosif, Ahmed Ouyahia l'a été tout au long de sa longue plaidoirie, hier, à l'Assemblée, dans un silence de cathédrale. Les élus de Djaballah en ont eu pour leur culot. Ils ont entendu des vérités qu'ils n'étaient pas habitués à se voir jeter ainsi à la face. “À ceux qui réclament la réconciliation, réconciliation avec qui ? Le GIA et le GSPC !”, s'est exclamé Ouyahia. Et d'asséner : “J'attends la réponse.” Bien sûr, ses vis-à-vis du MRN ne bronchent pas. Et, en guise de coup de grâce, il leur lance, railleur et sentencieux : “Vous avez raté le train.” Le Chef du gouvernement, qui a été visiblement touché par les critiques acerbes l'ayant ciblé, rappellera à la plénière de l'Assemblée que ces mêmes élus qui demandent la réconciliation nationale ont refusé d'examiner les suites à donner à la lettre que Abassi Madani avait envoyée en 1994 à la présidence, sous prétexte qu'il appartenait au pouvoir de gérer ce dossier. “Arrêtez donc de faire du commerce avec le sang des Algériens !”, leur lancera-t-il dans un arabe dialectal. Dans la foulée, Ahmed Ouyahia confirme aux islamistes du MRN et du MSP qu'il est effectivement un éradicateur par rapport au terrorisme. “Nous sommes déterminés à l'éradiquer et ceux qui ne le sont pas qu'ils le disent au peuple”, lance-t-il sur un ton de défi. Cette prise de position a valu à Ouyahia une salve d'applaudissements, y compris parmi les députés des autres formations politiques. À ceux qui parlent de conflit entre les différentes sphères de décision quant à la conduite à tenir face au terrorisme, Ouyahia assure que “le président de la République, l'armée et le gouvernement sont comme les doigts d'une seule main par rapport à la lutte contre le terrorisme”. Tout en proclamant qu'il n'a jamais changé de discours sur ce dossier, le Chef du gouvernement se tourne vers le carré des députés du MRN et accuse : “Je vous connais tous !” Il s'étonne également du fait que son cabinet soit taxé de “non-musulman”. Estomaqué, Ouyahia fait la profession de foi et affirme à ses détracteurs : “Le GIA dit la même chose !” Il répondra avec le même dédain, à ceux qui ont dit aux victimes de Boumerdès et d'Alger que “la terre a tremblé à cause de vous !”, “beaucoup ont joué en 1989, mais cela ne va pas se reproduire, c'est terminé à présent, la loi est au-dessus de tous !” Le Chef du gouvernement fait ici allusion à la montée du FIS dissous à la fin des années 1990, qu'il ne souhaite plus voir se reproduire. Dans la foulée, il dénonce la position “théâtrale” de ces mêmes islamistes qui s'inquiètent du sort de l'école et de la langue arabe en s'interrogeant : “Où étaient-ils quand les terroristes ont égorgé 15 enseignants à Sidi Bel-Abbès ? Où étaient ces voix quand les écoles étaient détruites par les terroristes ?” Dans le carré des députés de Djaballah, aucun mouvement ni aucune protestation. On encaissait les coups sans pouvoir répondre, dans une espèce de duel où la totalité des élus est acquise à la cause. Il les enfoncera encore davantage quand il réplique sur l'accusation de pratiquer la politique du “deux poids, deux mesures”, avec sa volonté de dialoguer avec les archs et non pas avec les terroristes. Il se tourne à nouveau vers les ouailles de Djaballah et les interroge : “Mettez-vous les archs et les terroristes sur un pied d'égalité ?” “Si oui, dites-le au peuple algérien”, assène encore Ouyahia qui voulait visiblement acculer ses interlocuteurs pour s'expliquer en public. Mais, point de réaction du côté du MRN. Pourtant le linge sale a été lavé en famille… H. M.