La nouvelle taxe sur les véhicules neufs, introduite dans la loi de finances complémentaire 2008, censée permettre, selon les prévisions du gouvernement, d'engranger des recettes supplémentaires pour financer le projet du tramway et celui du métro, cause par ailleurs d'importantes pertes financières au Trésor public. La baisse estimée par les concessionnaires à 50% des ventes se répercute inéluctablement sur la balance des droits et taxes douanières. L'ambiguïté de la loi et le manque de coordination et de concertation entre les différentes parties concernées par cette mesure ont, par ailleurs, fait que son application se heurte à de nombreux cafouillages. Qualifiée de sélective et faite sur mesure pour quelques privilégiés, cette disposition de la loi de finances complémentaire affranchit de cette taxe les attachés diplomatiques, les consuls de retour définitif au pays, les invalides de la guerre de Libération et exclut les handicapés moteurs “civils”. Le comble est que la décision d'exonérer de la taxe certaines catégories de citoyens a été notifiée aux autorités concernées un mois après la mise en application de cette mesure. Dès l'entrée en vigueur de la nouvelle taxe sur le véhicule neuf, le problème se pose au niveau de la douane. “La loi de finances complémentaire de 2008 institue cette taxe, mais n'a pas été explicite sur les exonérés”, nous explique-t-on au niveau de la Direction de la réglementation de la direction générale de la douane. “Quand nous avons commencé à avoir des problèmes avec les gens, nous avons saisi les impôts qui nous ont fait des écrits nous renvoyant à l'article 147 du code du timbre qui venait d'être modifié et qui dit : sont exonérés de taxe les diplomates, les nationaux à l'étranger en retour définitif au pays, les moudjahidine et les enfants de chouhada invalides à l'exception des invalides à titre civil.” Les handicapés moteurs exclus de l'exonération En effet, les personnes à mobilité réduite peuvent bénéficier d'une licence d'importation de véhicule tous les cinq ans, à condition qu'il soit aménagé préalablement. Or, au niveau des concessionnaires, ils ont d'énormes difficultés à faire passer leurs commandes, sous prétexte que des blocages surviennent lors du dédouanement. Certains préfèrent alors acheter une voiture ordinaire et l'aménager localement. Ce que refusent les services de douane, même si sur la licence d'importation, il n'est pas notifié l'obligation d'achat d'une voiture aménagée. Concernant la nouvelle taxe sur le véhicule neuf, les handicapés moteurs détenteurs d'une licence d'importation ou sans ont été tout simplement exclus de la liste des exonérés. Pourtant, c'est une catégorie estimée à plus de 10% de la population qui vit dans des conditions particulièrement difficiles et dans une réclusion presque totale. Conduire une voiture aménagée permet à certaines de ces personnes d'échapper un peu à un quotidien morbide. Contrairement aux handicapés moteurs, les moudjahidine, eux, bénéficient de cette exonération, mais pour l'instant, chez certains concessionnaires, ils n'arrivent pas à la faire valoir. Le président de l'Association des concessionnaires, M. Baïri, nous explique pourquoi : “J'ai un client qui me présente une licence de moudjahid pour importation de véhicule. Pour la TVA et droits de douane, pas de souci. Le problème réside dans la nouvelle taxe. Dans la facture définitive, est-ce que je dois mentionner la taxe ou pas ? Si je prends en compte la taxe, le client est obligé de me la payer. Dans le cas où je ne la mentionne pas, je suis en infraction vis-à-vis des impôts. Parce que la loi m'oblige pour tout véhicule vendu et facturé de prendre en compte la nouvelle taxe.” Les concessionnaires saisissent les impôts M. Baïri nous informe que l'Association des concessionnaires automobiles a saisi la Direction générale des impôts, en septembre dernier, pour orientation, sans recevoir jusqu'à ce jour une réponse. “La taxe est entrée en vigueur au mois d'août, en pleine période des congés. Tous les clients étaient concernés. Il n'y avait pas d'exception. À partir du mois de septembre, il y a eu le télex adressé à la douane pour dire que les moudjahidine ne sont pas concernés par la taxe. Mais nous, nous n'avons été destinataires d'aucun courrier.” Il faut savoir que les nouvelles mesures fiscales introduites dans la loi de finances complémentaire de 2008, à savoir une ponction de 1% sur le chiffre d'affaires des concessionnaires et une taxe sur les véhicules neufs, se répercutent directement sur les prix d'achat de voitures dont l'augmentation varie entre 50 000 et 150 000 dinars en fonction de la puissance et de la carburation du véhicule. “Tout le monde a subi une baisse de 50% des recettes de vente, car il y a des gens qui ont annulé leurs commandes. Sur un véhicule de 400 000 dinars, une Maruti par exemple, vous payez 50 000 dinars de plus. Vous trouvez ça normal ? C'est pratiquement 8 mois de plus à rembourser pour un salarié touchant 25 000 dinars. Alors que les principaux clients sont des salariés, ceux qui font des prêts bancaires et sollicitent la famille même pour l'apport initial”, nous déclare M. Baïri qui ajoute que les différents concessionnaires automobiles ont entrepris des démarches auprès du ministère des Finances pour expliquer leurs préoccupations et exposer leurs doléances. En attendant, ils tentent, nous dit-il, de trouver des formules de vente attractives “pour colmater les brèches, car la taxe est tombée en plein milieu de l'année. Il y a un engagement qui a été fait auprès des fournisseurs. Il ne faut pas oublier aussi que le taux de change est défavorable en ce moment. En 2009, nous serons obligés de revoir notre budget à la baisse. Nous ne serons plus dans le marché de 2007.” En effet, certains concessionnaires offrent jusqu'à 240 000 de remise sur des gammes de voitures, d'autres proposent l'assurance tout risque, de payer à la place du client la nouvelle taxe… sans réussir complètement à renouer avec la clientèle habituelle. Il est à noter que l'Exécutif espère engranger une recette de 6 à 7 milliards de dinars à travers ces deux taxes, selon le directeur général des impôts. N. H.