Le ministre de l'Energie n'exclut pas, dans ce scénario pessimiste, un recours aux réserves en devises du pays. L'Algérie n'est, semble-t-il, pas complètement épargnée des conséquences qu'engendrerait la crise financière qui continue d'ébranler les places boursières de par le monde. Au lendemain des chutes qu'ont connues les banques américaines et européennes, dues à la crise des subprimes, les responsables algériens soutenaient mordicus que notre pays en est à l'abri. Mais d'août à novembre et au fil des évènements, les positions et les avis semblent prendre une autre allure, une autre nature. Les nouvelles donnes qui caractérisent le marché pétrolier, la chute des prix du baril, la crainte que la crise perdure encore pendant longtemps… sont autant de paramètres qui permettent de relativiser les choses. “Notre pays est touché par les méfaits de la crise. Il perd deux milliards de dollars en 2008 en raison de la baisse de production décidée par l'Opep pour freiner la chute des cours.” La récente déclaration du ministre de l'Energie et des Mines à ce propos est, on ne peut mieux, claire et précise. Si la crise persiste pendant trois ans, il est clair, avoue M. Chakib Khelil, que le programme d'investissements publics sera revu, c'est-à-dire, réajusté ou retardé. Devant une telle situation, le ministre évoque même un éventuel recours à des financements extérieurs pour concrétiser ces projets d'investissements de l'Etat. En termes plus clairs, l'Algérie pourrait éventuellement, suggère-t-il, recourir à des crédits extérieurs pour réaliser ce programme. Puiser du matelas de réserves de change, évalué à plus de 130 milliards de dollars, est, en outre, pour M. Khelil, une action à ne pas écarter, rappelant la réponse du gouverneur de la Banque d'Algérie aux députés dans laquelle il soulignait que les “règles de bonne conduite” suivies par l'institution qu'il dirige ont permis à l'Algérie de “gérer les effets” de la crise financière internationale. Il avait annoncé, parmi les dispositions prises par la Banque d'Algérie, la réduction des dépôts dans des banques commerciales pour, arguait-il, “réduire le risque de la contrepartie et celui des liquidités”. L'essentiel des placements de l'Algérie sont faits, avait-il affirmé, dans des banques centrales de certains pays développés. Le but est, selon lui, d'assurer ces dépôts car les banques centrales ne souffrent pas d'un problème de liquidités. Pour le gouverneur, l'attitude jugée “trop conservatrice” de la Banque d'Algérie a été salutaire en ces moments de crise planétaire. Cependant, M. Laksaci n'a pas maintenu son euphorie durant tout le long de son discours à l'Assemblée nationale. Il avait indiqué que l'Algérie prend des précautions et installe des équipes de recherche, de travail et d'évaluation d'éventuels risques qui pourraient surgir à tout moment. Le gouverneur de la Banque d'Algérie mettait en garde contre trois éventualités qui risqueraient d'entraîner le système algérien dans la spirale des chocs extérieurs de la crise. Il parlait de l'éventualité de la persistance de l'inflation due aux importations des biens et services. Le gouverneur rassure, toutefois, étant donné l'importance du mécanisme de stabilisation du taux de change pratiqué par le pays. L'autre risque mis en exergue par M. Laksaci a trait au niveau de rendement de l'économie nationale. Celui-ci, avertissait-il, ne doit pas connaître un ralentissement. La troisième hypothèse avancée par le gouverneur concerne le marché pétrolier. Il avait propos à ce qu'on surveille la volatilité des marchés énergétiques parce que, prévenait-il, un retournement de situation dans le prix de baril du pétrole peut laisser penser à des impacts sur notre système. C'est d'ailleurs ce qui se passe actuellement sur le marché international où les prix du brut frôlent les 58 dollars le baril. Le ministre des Finances, M. Karim Djoudi, est passé à l'APN avec la même position et a développé un discours avec la même assurance, en utilisant presque les mêmes arguments. Pour le grand argentier du pays, l'Algérie n'est pas concernée par la crise financière mondiale. Le grand argentier du pays relevait que la conduite opérée par les autorités depuis plusieurs années en termes de réduction de l'endettement, de renforcement des réserves de change, de constitution du fonds de régulation des recettes, en plus des décisions qui n'ont pas été prises heureusement en termes de constitution d'un fonds souverain ou en matière de convertibilité des opérations de capital, “nous permet d'avoir une visibilité à moyen terme concernant le financement budgétaire”. Il n'a pas caché, néanmoins, son appréhension sur les conséquences de cette crise qui seraient caractérisées par une récession, c'est-à-dire une baisse de l'activité économique. “Cette récession pourrait avoir un impact sur les prix du pétrole, mais qui serait, nous l'espérons, atténué par le fait que c'est un bien rare et que la rareté du bien fait que le prix serait plus ou moins rémunérateur”, avait-il précisé. Pour l'Algérie, disait Karim Djoudi, le prix du baril devra avoir un impact sur les recettes d'exportations et sur nos recettes fiscales considérées toutes les deux en légère diminution. Mais ceci, expliquait le ministre, “est compensé par le fait que le dollar va se raffermir contre l'euro, et ce que nous perdons en valeur du prix du baril, nous le compensons en partie par la valorisation du dollar contre l'euro”. La baisse des prix des produits de première nécessité devrait jouer, selon M. Djoudi, “sur la baisse de nos dépenses budgétaires et diminuer la facture de nos importations”. Une chose est certaine, le ministre des Finances avait signalé que la baisse des prix du pétrole est un élément qu'il faut suivre de près. C'est dire que l'instabilité des prix du pétrole sur le marché mondial touche de plein fouet l'activité économique du pays. Or, le pays a, selon Chakib Khelil, bien fonctionné avec un baril de brut situé entre 40 ou 50 dollars. Le ministre de l'Energie se veut tout de même, rassurant : “Mais comme nous estimons que la crise ne durera pas plus d'une année, l'Algérie ne va sans doute pas couper dans les programmes d'investissements de l'Etat.” Badreddine KHRIS