Le nouveau projet constitutionnel étend le mandat du président de la République de quatre à six ans. On ne sait pas trop pourquoi ni comment, mais pour des observateurs, cette procédure pourrait accélérer le retour de Poutine au Kremlin ! Un vrai jeu de rôles. Comme dans une partition musicale. Poutine qui pouvait réformer la Constitution pour s'ouvrir un troisième mandat ne l'a pas fait. Il a préféré passer la main à un dauphin choisi par lui au prétexte qu'il ne voulait pas déstabiliser les équilibres politiques dans une Russie à qui il a fait retrouver ses lettres de noblesse. Pourtant, la popularité de l'ex-président était loin d'être surfaite. Et voilà que son successeur procède à la révision de la Loi fondamentale ! Elle a été adoptée par les députés, et son approbation par la chambre haute du Parlement et par une majorité des législatures régionales doit se faire au courant de la semaine. Là aussi, elle passera comme une lettre à la poste, ces deux instances sont elles aussi dominées par "Russie Unie", le parti de Vladimir Poutine. Le nouveau projet constitutionnel étend le mandat du président de la République de quatre à six ans. On ne sait pas trop pourquoi ni comment, mais pour des observateurs, cette procédure pourrait accélérer le retour de Poutine au Kremlin ! Auparavant, ces mêmes spécialistes du Kremlin étaient persuadés que Medvedev, dont la carrière a été entièrement tracée par Poutine qui l'avait repéré lorsqu'il était maire de Saint-Pétersbourg, repasserait le Kremlin à son mentor une fois son premier mandat de quatre ans achevé. Aujourd'hui, ils jurent que le retour de l'ex-patron des services russes est imminent. Poutine voudrait battre le fer tant qu'il est chaud, profiter du désarroi de la crise financière mondiale et du spectre de la récession économique mais aussi de la période de transition qui s'ouvre aux Etats-Unis avec la venue d'Obama dont on sait qu'il sera beaucoup moins interventionniste que son prédécesseur, le va-t-en-guerre Bush. Cette réforme serait donc un texte taillé sur mesure pour Poutine. La Constitution lui interdisant de briguer un troisième mandat consécutif, ce dernier a d'abord fait élire son protégé, et le mot n'est pas fort, Medvedev pour lui succéder en mars dernier au Kremlin. Aussitôt investi, ce dernier devait renvoyer l'ascenseur à son mentor qu'il "a nommé" comme chef du gouvernement, avant d'annoncer la semaine dernière, dans son discours sur l'état de la nation, le projet de réforme constitutionnelle. Evidemment, comme tous les autocrates, Poutine répète à l'envi que cette révision ne servira pas ses ambitions politiques, affirmant même qu'elle "confortera la démocratie russe". Mais il est loin de convaincre. Parmi les scénarios envisagés, certains envisagent une démission précoce de Medvedev, laissant Poutine assurer l'intérim. Compte tenu de sa popularité et l'emprise du pouvoir sur les médias et la vie politique du pays, il aurait ensuite aucun mal à gagner la présidentielle anticipée qui suivrait. Il pourrait alors s'installer confortablement pour 12 nouvelles années au pouvoir, en servant deux mandats consécutifs. Avant le vote de la Douma, le chef des communistes dans l'opposition, Guennadi Ziouganov, a fustigé le texte : "Si nous regardons l'étendue du pouvoir du président actuel, il a plus de pouvoir que le secrétaire général du temps de l'Union soviétique, le tsar et le pharaon pris ensemble, et il n'y a pas un seul élément de contrôle sur son autorité." Mais son parti ne contrôle plus que 57 sièges à la Douma. D. Bouatta