L'Algérie serait-elle devenue un véritable producteur de la contrefaçon ? Le nombre des saisies croît en vérité dans tous les secteurs de marchandises. Les domaines de prédilection des contrefacteurs vont aussi au vêtement et aux accessoires du vêtement (produits textiles), aux jeux et jouets, et à la bijouterie. Selon une étude officielle rendue publique qui portait sur huit familles de produits regroupant 238 articles, des produits artistiques et littéraires sont contrefaits en très grand nombre. C'est également le cas des logiciels et des CD audio ou vidéo. Des commerçants détaillants du centre d'Alger se sont fait épingler récemment par les services de la répression des fraudes pour vente de produits contrefaits. Ils se sont plaints auprès de leur organisation (l'UGCAA) du fait que l'on n'ait pas cherché à remonter la filière. Ils assurent qu'ils ont été les seuls à payer alors qu'ils ne savaient pas. “Ces commerçants savaient très bien ce qu'ils faisaient, en étant parfaitement au courant de la filière”, nous précise-t-on sur un ton indigné au ministère du Commerce. Alors, existe-t-il une complicité entre commerçant légal (avec registre du commerce) et commerçant informel ? Pour l'Organisation nationale des commerçants, les instructions qu'elle donne régulièrement sont claires : ne pas acheter chez des distributeurs non connus et s'il y a contrefaçon, ne pas hésiter à alerter les autorités, mais le fait de l'existence de gros distributeurs de produits contrefaits au sein du marché informel algérien amène toutes sortes de dérèglements qu'il n'est pas facile de contrôler en permanence, soutient-on niveau de cette organisation. “Le fléau de la contrefaçon est trop grand pour que l'on doive se limiter à le combattre uniquement au niveau d'une ou deux institutions, et nous préconisons une action concertée et multisectorielle, avec les collectivités locales, les finances, les PME, l'industrie, où notre organisation sera de la même manière associée”, nous déclare le porte-parole de l'UGCAA. Il serait d'ailleurs judicieux d'ajouter que les Chambres de commerce devraient avoir leur mot à dire, et mieux encore s'organiser pour concourir à juguler le phénomène de la fraude et de la contrefaçon. Confinées dans un rôle quasiment protocolaire, elles gagneraient à servir pour le moins de banques de données afin de créer des balises qui aideraient aux services de répression à faire le distinguo entre les fraudeurs et les autres. C'est donc, en résumé, de l'urgence d'une stratégie nationale contre la contrefaçon qu'il s'agit, rien de moins. Une contrefaçon n'étant jamais soumise aux tests légaux de conformité, elle peut mettre gravement en danger l'intégrité physique de son utilisateur. Faudrait-il parler de culture de consommation, et par extension, d'un manque de prise de conscience du consommateur algérien ? Il semble que oui. Les critères en la matière (que dois-je acheter, quand, combien et où ?) sont loin de la réalité du marché. Pour ce responsable commercial d'une grande entreprise nationale qui a pignon sur rue, que nous avons interrogé, “le consommateur est souvent un complice volontaire, parce qu'il préfère parader avec un beau vêtement, un soulier ou un parfum, en portant ostensiblement la marque, et peu lui importe si celle-ci est d'origine ou d'imitation”. C'est justement là où les conséquences pour l'économie sont les plus désastreuses. Car pour simplifier, à la veille de son entrée à l'OMC, l'Algérie doit fournir des garanties aux pays membres de cette organisation mondiale que leurs marques bénéficieront bien d'une protection. En d'autres termes, cela signifie que ces pays veulent être plus ou moins sûrs qu'ils ne seront pas amenés à se mettre en concurrence sur le marché algérien…avec leurs propres marques plagiées et qui marchent très bien. Il apparaît en outre que la faiblesse des moyens dont disposent l'Algérie pour lutter contre la contrefaçon freinent son ambition d'adhérer à l'Organisation mondiale du commerce. Il y a quelques mois, à l'occasion d'une rencontre bipartite, le premier responsable de la Chambre algéro-allemande du commerce avait estimé que la protection de la marque constituait toujours un problème non résolu en Algérie, et ce en raison du manque de ressources humaines. Il avait ajouté que l'investisseur étranger ou algérien ayant l'intention d'introduire une nouvelle marque en Algérie se trouvait confronté à des risques imprévisibles. Cette situation, estimait encore le responsable allemand, n'est pas favorable à la promotion des investissements. Un dossier à clôturer à la fin de l'année 2009 L'action de répression de l'infraction de contrefaçon en Algérie connaît incontestablement de notables progrès. De même que les services des douanes dont l'activité est basée aux frontières, ceux du ministère du Commerce agissent en amont en veillant au certificat de conformité, le sésame qui permet à la marchandise d'entrer sur le territoire algérien : déclaration d'importation, étude du dossier, déplacement sur le terrain pour un contrôle (des containers), analyse du produit s'il y a suspicion, etc. C'est ainsi qu'en 2007, près de 50 000 infractions ont été relevées sur le marché par la direction du contrôle et de la qualité et de la répression des fraudes rattachée au département du Commerce, et pas loin de 45 000 dossiers ont fait l'objet de poursuites judiciaires. Il reste que ce n'est pas suffisant. L'un des constats tirés de l'analyse du bilan qui a été fait en septembre dernier par le Président Abdelaziz Bouteflika aura été la nécessité pour l'Etat d'ériger le contrôle et la régulation du champ économique, y compris le commerce, en véritable priorité nationale. L'impact des efforts est amoindri par les fraudes qui entachent l'activité économique et singulièrement le commerce, avait entre autres souligné le chef de l'Etat qui a ordonné au gouvernement d'accélérer et de parachever la mise à niveau de la législation et de la réglementation devant encadrer le contrôle et la régulation économique et commerciale, ce dossier devant être clôturé à la fin de l'année 2009 comme dernier délai de rigueur. L'Algérie dispose pourtant d'un arsenal impressionnant de lois, décrets et ordonnances, depuis la loi de 1989 relative aux règles générales de protection du consommateur jusqu'aux conditions d'exercice des activités commerciales, la normalisation, le contrôle, les brigades mixtes d'intervention, etc. A titre d'exemple, depuis 1994, dans un pays voisin, détenir, importer, exporter un produit de contrefaçon de marque constituent un délit passible de lourdes sanctions douanières, mais aussi pénales. Depuis octobre 2007, les peines d'emprisonnement dans ce pays peuvent désormais aller jusqu'à 5 ans, et les amendes infligées jusqu'à 500 000 euros. Et chez nous ? Est-ce un délit que d'acheter un produit en faisant une bonne affaire ? Au prix où se vendent les grandes marques… Z. F.