Depuis le séisme du 21 mai à Alger, de nombreuses actions de solidarité se développent en France : émissions spéciales de télévision ou de radio, concerts comme celui qui aura lieu aujourd'hui au Zénith à Paris avec de nombreux chanteurs français et algériens, collecte de fonds au profit des sinistrés. Le Secours populaire français (SPF) est, avec le Secours catholique et la Croix-Rouge, l'une des principales organisations non gouvernementales de solidarité, qui s'activent actuellement à Bordj El-Bahri. Nous avons rencontré Corinne Makowski, secrétaire nationale du SPF, qui a bien voulu nous accorder cet entretien. Liberté : Depuis votre appel à la solidarité avec les victimes du séisme d'Alger, quelle réponse avez-vous reçue de la part de la population française ? Constatez-vous un grand élan de solidarité ? Corinne Makowski : Comme chaque fois que l'Algérie est frappée par un drame, nous enregistrons un élan de solidarité vraiment extraordinaire, venant bien sûr des Algériens vivant en France, mais aussi de la communauté maghrébine et puis la population française dans son ensemble, parce qu'on a tous un ami, un voisin, un copain à l'école, un collègue de travail algérien, qui a été touché par ce drame. Une solidarité qui s'organise dans la dignité : les gens appellent, nous font des propositions, et on organise quelque chose ensemble. On ne fait pas n'importe quoi, n'importe comment. Sous quelle forme concrète l'aide sera-t-elle apportée aux sinistrés ? Le Secours populaire, dans les pays étrangers, travaille en partenariat avec des associations locales. En Algérie, depuis trois ans, nous avons un partenaire qui s'appelle l'Association algérienne pour l'action sociale, dont le siège est à Alger, et qui était sur place lors du drame et a pu évaluer les besoins : nourriture, médicaments, produits d'hygiène, couvertures, tentes, lampes torches. Nous avons débloqué tout de suite 30 000 euros pour pouvoir organiser des achats en Algérie. Tout ce qu'on peut acheter sur place, on l'achète, et on fait des distributions aux familles. Nous avons travaillé dans la ville de Bordj El-Bahri, où ce qui fait défaut ce sont les tentes et les couvertures. Nous avons organisé l'acheminement d'une centaine de tentes familiales neuves. Nous avons envoyé sur place deux amis de la direction nationale du Secours populaire pour rencontrer les familles sinistrées, et notre équipe nous a confirmé combien les gens étaient heureux de voir une association française apporter son aide. Les gens, très dignes, beaucoup de jeunes, nous ont aidés à organiser les distributions, évaluer les besoins ; cela a beaucoup impressionné nos délégués, dans le bon sens. Parmi les besoins, il y a aussi ce qui concerne les WC chimiques et les cabines de douches. Il y a un problème d'approvisionnement en eau et d'évacuation des eaux usées, avec un risque d'épidémie. Nous travaillons donc sur cette question. Dans la ville de Bordj El-Bahri, un travail se fait déjà sur la mise en place d'arrivée d'évacuation des eaux usées. Concernant les WC, nous envisageons d'acheter l'installation chimique avec les WC, et les sinistrés se proposent de fabriquer l'entourage en bois. Avez-vous tiré des enseignements des précédentes catastrophes, notamment les inondations d'il y a deux ans à Bab El-Oued ? Notre principe d'intervention, c'est de respecter la dignité des gens, et donc de ne pas imaginer ce qui serait bien pour eux, mais de voir avec eux ce dont ils ont besoin. Et derrière l'urgence, il faut aussi penser au ballon de football pour que les jeunes se détendent un peu, à des jouets pour les gamins, on achète aussi des postes radio. Ce qui risque d'arriver maintenant, c'est l'oubli après la phase d'urgence, parce que très vite, les médias vont se focaliser sur autre chose, sur l'Irak ou ailleurs, alors que les besoins demeurent. C'est donc important qu'on s'inscrive dans la durée. Nous allons donc voir comment vont se mettre en place les plans de réhabilitation, de reconstruction dans les quartiers, pour que nous, en tant qu'organisation non gouvernementale, on puisse prendre en compte, par exemple, la réhabilitation d'une école, d'un centre de santé, quelque chose de collectif. Comment aIlez-vous faire pour ça ? On a toujours travaillé comme ça. Maintenant, ce n'est pas aussi simple, parce qu'on est dans des zones qui ont été sinistrées et qu'il faut réhabiliter, il y a donc toute une série d'infrastructures appartenant à l'Etat qu'il faut remettre en fonction, il y a des plans de réinstallation des familles. Il faut donc qu'on soit très au fait de ce qui va se mettre en place pour voir quelle place on peut prendre en tant qu'ONG avec la population locale et notre partenaire. Votre intervention s'inscrit donc vraiment dans la durée ? Tout à fait. C'est d'ailleurs le principe du Secours populaire, c'est une solidarité de population à population, on noue avec des gens une relation d'amitié, de confiance, de coopération, pour de longs mois et des années. Nous ne rencontrons pas de difficultés particulières avec les autorités. Celles-ci connaissent le Secours populaire. Je crois que nous bénéficions d'une reconnaissance, d'autant que nous ne sommes pas une association qui arrive comme ça en faisant n'importe quoi. On prend en compte les populations, leurs besoins, on rencontre les autorités pour voir quelle place on peut prendre. K. G.