Antoine Sfeir, directeur de la rédaction des Cahiers de l'Orient et président du Centre d'études et de réflexion sur le Proche-Orient, invité par le CCF pour une conférence, aujourd'hui, autour de son livre Vers un Orient compliqué, sorti aux éditions Sedia en avril dernier, s'est prêté, hier, à une petite rencontre informelle avec la presse. Durant cette rencontre, l'expert a livré quelques analyses très actuelles sur la situation toujours problématique au Proche et au Moyen-Orient. Iran, Syrie, Liban, Palestine, mais aussi pays arabes ont ainsi été passés au crible, notamment à la lumière des années Bush, mais aussi de l'élection récente du nouveau président américain Barack Obama, qui suscite une forte attente, même dans les pays arabes. Sur la question nucléaire iranienne, Antoine Sfeir se dit convaincu que le changement de régime aux USA peut jouer de manière positive. Et ce, d'autant que 29 experts en relations internationales américains viennent de demander, le 11 novembre dernier, à Barack Obama de reprendre langue avec l'Iran. Dans une allusion à la maladie récente du président iranien, l'expert affirme, “si les choses évoluent comme il le faut avec Obama, il est à peu près certain que la grippe d'Ahmadinejad va s'aggraver”. Mais, tempère-t-il, il ne faut pas trop se faire d'illusion, les Perses ont toujours ce sentiment d'être assiégés. “Rappelez-vous que ce sont eux les inventeurs du jeu d'échecs. Et souvent, ils ont six coup d'avance”. Sfeir tord le cou à l'occasion à une idée reçue en Occident : “Les Iraniens savent que le jour où ils annonceront avoir la bombe, le lendemain, grâce aux Américains, les Saoudiens l'auront et le surlendemain, probablement, les Egyptiens l'auront aussi. Les Iraniens veulent absolument éviter cette configuration.” Le régime perse “pratique aussi les échecs” au Liban, autre pays à vivre des problèmes considérables tant au plan interne qu'externe. Autre acteur de ce Liban perturbé, la Syrie. Sfeir se montre favorable à une reprise de contact entre les Américains et le régime de Bachar El-Assad. Celui-ci pourrait profiter de cette reprise et de sa réelle popularité dans la population syrienne pour jouer un rôle d'apaisement au Liban et plus loin en Irak. Et faire contrepoids ainsi au grand partenaire historique — depuis les années 50 — de Washington dans la région, l'Arabie Saoudite, dont le prosélytisme wahhabite a porté un tort considérable aux pays arabes. Il ne faut pourtant pas trop espérer en Obama, poursuit l'orateur. “Le futur président américain a de nombreux problèmes internes à gérer. Mais effectivement, s'il parle à tout le monde, ce sera déjà beaucoup. Rien que cela va aider à décrisper la situation”. Pour Sfeir, les dégâts causés par l'administration Bush sur les Etats-nations arabes sont immenses. Citant l'Irak, découpé en trois, le Liban et d'autres pays en proie à des forces centrifuges (sur une base ethnique ou religieuse), il affirme que les Américains et leurs alliés ont détruit “le vivre-ensemble”, chose qu'il sera très difficile à rétablir. Enfin, sur la question palestinienne, le directeur des Cahiers du Moyen-Orient, qui a recensé dans un livre toutes les occasions manquées, se montre plutôt pessimiste. “En 2000, il a manqué 6 mois à Arafat, Barak et Clinton pour régler définitivement les 5 dossiers qui étaient sur la table. Aujourd'hui, je ne crois pas que cela aura une fin satisfaisante”, conclut Sfeir. R. A. Vers l'Orient compliqué, conférence d'Antoine Sfeir, jeudi à 14h30, au Centre culturel d'Alger 7, rue Hassani-Issad. (lire l'entretien avec Antoine Sfeir dans notre édition de samedi)