L'annonce, mercredi, du ministre français de la Défense, Hervé Morin, d'un projet de loi portant indemnisation des victimes des essais nucléaires en Polynésie n'a pas laissé indifférente l'Association algérienne du 13-Février-1960 “qui se bat pour que la France assume ses responsabilités et reconnaisse que ces essais ont eu des conséquences sur les populations locales et sur l'environnement”. Selon le président de l'Association 13-Février-1960, M. Gassi Abderahmane, “ce projet d'indemniser les victimes des essais nucléaires que le ministère de la Défense de la République française compte soumettre à l'Assemblée nationale, au mois de janvier prochain, ne nous intéresse pas, même si nous sommes inclus, tant que l'Etat français ne reconnaît pas officiellement ce crime contre l'humanité”. Les membres de l'association de Reggane que nous avons rencontrés ne se font pas d'illusions, puisque leur conception est que “celui qui fait autant de mal ne pourrait revoir avec un œil amical même des siècles après son forfait”. Notre interlocuteur ajoute aussi que “ce que nous demandons en tant qu'association, c'est une réelle étude sur le degré des radiations dans la région de Reggane, car notre population vit toujours sous la psychose des retombées et des conséquences néfastes de ces essais nucléaires”. Vu l'importance des séquelles des essais nucléaires français dans la région, les membres de l'Association 13-Février-1960 revendiquent une véritable analyse médicale de la population et la prise en charge des soins. M. Gassi Abderahmane insiste sur la nécessité de procéder à la désinfection des espaces où se sont déroulés les essais, puisque, selon lui, plusieurs cas de contamination par les radiations de ces essais nucléaires sont principalement dus à la récolte par la population des objets laissés par les militaires sur le site d'essais. C'est pour cette raison que la région de Reggane enregistre un grand taux de malades atteints d'infections ophtalmiques et de multiples cancers : leucémie, cancer de la peau, des poumons et plusieurs autres tumeurs. Alors que les femmes sont victimes de stérilité et d'hémorragies internes aiguës et les nouveau-nés arrivent avec des malformations diverses. “Nous nous attendons au pire du point de vue des maladies, car nous vivons dans une zone désertique et les vents de sable continuent la besogne en transportant avec eux des quantités considérables de radiations”, a déclaré M. Lahbab Abderahmane, membre actif de l'association. Du point de vue écologique, les responsables de l'association affirment que “la localité d'El-Hamoudia ne verra pas une plante pousser sur son sol avant 24 000 ans, notre palmeraie meurt à petit feu et notre agriculture n'existe plus”. Le président de l'Association 13-Février-1960 a affirmé que “notre réponse à la décision du ministre français de la Défense ne veut pas dire que nous tendons la main à la France, car ce qui nous intéresse en tant qu'association — citoyens et victimes de ses essais nucléaires —, c'est la reconnaissance de ce malheur engendré par la course effrénée à l'armement par les puissances coloniales”. La combativité des cadres de l'association des victimes des essais nucléaires français au Sahara ne compte pas en rester là. M. Gassi a affirmé à ce propos que “si l'Etat français prend la décision d'indemniser les victimes de Reggane, il n'aura pas à le faire comme il a été noté par M. Hervé Morin. Ces indemnisations iront seulement en direction des personnes exposées. Pour nous, ces compensations iront en direction de toute la communauté, elles ne pourront être en deçà des dommages engendrés”. Tout de même, l'essence du combat des membres de l'association des victimes des essais nucléaires de Reggane, selon son président, c'est l'ouverture dans l'immédiat du dossier du nucléaire français à Reggane. Rappelons que le premier site d'essais nucléaires français dans le désert algérien se trouvait dans la localité de Reggane à 150 km au sud du chef-lieu de la wilaya d'Adrar. La base des tirs était implantée à Hamoudia à 15 km de la daïra de Reggane. Cet équipement enfermait tous les moyens nécessaires dont un aérodrome et une caserne. Dans cette petite localité millénaire et paisible, durant la période allant du 13 février 1960 au 25 avril 1961, l'armée coloniale française a procédé à quatre tirs aériens dont le plus important fut celui qu'on dénomme “l'opération Gerboise-Bleue”. Ce tir a eu un retentissement particulier puisque ses retombées radioactives ont été signalées même dans quelques Etats africains tels que le Mali, le Soudan et le Sénégal. À cause des fuites des rayons X et Gamma observées lors des tirs aériens, les forces militaires françaises avaient choisi l'option souterraine de Aïn Ikker, dans la wilaya de Tamanrasset, qui n'a pas encore révélé tous ses secrets. Latamène Ammour