Les investigations portent aussi sur les signes extérieurs de richesse. Mais aucun rapport n'a été jusqu'ici déposé par l'institution douanière ou les impôts, selon le premier responsable de cette structure. En matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, le dispositif mis en place par l'Algérie répond presque aux standards fixés par le Groupe d'action financière (Gafi), qui travaille en collaboration avec toutes les Cellules de renseignements financiers (CRF) des pays membres. La CRF algérienne vient de répondre d'ailleurs à un questionnaire du Gafi. Il est question, en fait, d'une évaluation mutuelle. Cette structure va effectuer d'abord une auto-évaluation qu'assureront les acteurs chargés de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Ce questionnaire dûment rempli sera envoyé aux évaluateurs du Gafi qui, ensuite, l'analyseront puis ils se déplaceront à Alger le 5 ou le 6 janvier prochain pour confirmer ou infirmer les renseignements fournis. Les questions ont été posées sur la base des 49 recommandations du Gafi. Il faut noter que parmi l'ensemble de ces recommandations, 40 sont liées au blanchiment, d'argent, 8 au financement du terrorisme et une pour la contrebande espèce transfrontalière. Jusqu'à mercredi dernier, indiquera M. Abdelmadjid Amghar, président de la CRF Algérie, il a été enregistré 138 déclarations de soupçons de la part des assujettis, notamment des banques. Il existe, en outre, des entités déclarantes que sont les directions générales des douanes et des impôts. Depuis 2004, année de création de la CRF, deux déclarations ont été transférées en justice. L'une d'elles a abouti puisque la décision de justice a été rendue par le tribunal de Bir-Mourad-Raïs et la personne incriminée a été jugée et condamnée à 10 ans de prison par contumace, car elle est en fuite. Le montant en question est estimé à 7,8 millions d'euros. Une autre affaire est également en justice en ce moment, mais il n'y a pas eu encore d'audiences. M. Amghar reconnaît que l'immobilier et le foncier sont des espaces privilégiés du blanchiment. L'autre canal dont profite ce fléau a trait aux opérations de commerce extérieur. Les signes extérieurs de richesse peuvent constituer aussi un élément de soupçon. Pour cela, la CRF fait appel, conformément à la loi 05-01, aux administrations fiscale et douanière qui établissent un rapport confidentiel pour la vérification des renseignements sur la personne physique. C'est dans ce cadre que des enquêtes seraient diligentées pour élucider les affaires liées à l'argent issu du racket du terrorisme. Le blanchiment d'argent de par le monde est estimé à plus de 800 milliards de dollars, chiffre cité par le directeur général du FMI. En Algérie, il est encore difficile d'avancer un quelconque chiffre. Pour toute transaction dépassant les 50 000 DA, il est exigé par la loi l'utilisation d'un chèque afin de limiter l'usage de liquidités. Or, cette disposition de loi n'est plus appliquée. Projet de texte : les transactions de 500 000 DA s'effectueront par chèques M. Amghar ne parle pas de revirement de la part des responsables, mais le “décret qui instituait le seuil au-delà duquel toute opération commerciale et transaction devraient passer par le circuit bancaire et financier n'est pas abrogé au sens étymologique du terme et il est mis en veilleuse. Car, son application causait beaucoup de problèmes”, précisera Abdelmadjid Amghar sur les ondes de la radio Chaîne III. Pour lui, limiter le seuil à 50 000 DA est une “opération qui ne nous semble pas rationnelle avec l'économie nationale”. Peut-on payer un mouton à un maquignon par le biais d'un chèque ? Va-t-il accepter cette pièce, lui qui a durant toute sa vie transigé en espèces ? C'est l'exemple avec lequel M. Amghar a soulevé cette problématique. Les problèmes rencontrés sur le marché ont poussé la CRF à proposer un autre projet de décret qui tendrait compte de toutes ces données. C'est ainsi que les membres de la CRF suggèrent une révision à la hausse du montant initial à 500 000 DA. Ils n'attendent que l'aval des autorités habilitées à décider pour mettre en pratique cette disposition. Par ailleurs, la CRF ne coopère pas avec le FBI dans la lutte contre le blanchiment d'argent. Le bureau d'Alger, situé à l'ambassade des Etats-Unis, se veut en fait, comme l'a expliqué M. Amghar, une sorte de boîte aux lettres pour pouvoir communiquer avec la cellule américaine. Le Gafi propose, en effet, qu'il y ait un échange d'informations entre les pays du monde soit spontanément soit selon un protocole d'accord administratif soumis à des conditions, dont la principale est que ces nations acceptent leur évaluation. - Le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI) a été créé à Paris en 1989, lors du sommet du G-7, en réponse à la préoccupation croissante que constituait le blanchiment de capitaux. - Le GAFI est un organisme intergouvernemental qui a pour objectif de concevoir et de promouvoir des politiques de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme aussi bien à l'échelon national qu'international. - Le GAFI surveille les progrès réalisés par ses membres dans la mise en œuvre des mesures nécessaires, examine les techniques et contre-mesures propres au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme, et encourage l'adoption et la mise en œuvre des mesures adéquates au niveau mondial.