Tout en maintenant la pression sur les islamistes, jusque dans leur fief : les zones tribales qui constituent la base arrière et des talibans afghans et des activistes pakistanais, le successeur de Musharraf a décidé d'engager des négociations avec les chefs des tribus pachtounes, qui sont de plus en plus islamisés et qui soutiennent les talibans. Les attentats terroristes de Bombay ont ravivé les tensions entre l'Inde et le Pakistan. La tension est vive au grand dam des Etats-Unis qui essayent de calmer le jeu entre les deux puissances nucléaires. Gordon Brown s'est rendu en éclaireur à Islamabad. New Delhi reproche à Islamabad son manque de fermeté vis-à-vis des terroristes. Alors que le gouvernement pakistanais a donné des gages de bonne volonté, multipliant les arrestations visant les terroristes de Lashkar e Taiba, une organisation islamiste pakistanaise accusée d'avoir organisé les sept attentats simultanés dans la capitale économique indienne. Le Pakistan a, en effet, multiplié les arrestations visant les terroristes de Lashkar e Taiba, placé son chef en résidence surveillée et décrété illégale sa branche caritative, Jamaat-ud-Dawa. Islamabad donne même l'impression d'avoir changé de stratégie en s'attaquant de front à l'islamisme radical. Et ce changement ne date pas des attentats de Bombay. L'ex-président Musharraf avait commencé à se détourner des islamistes dès lors qu'ils mettaient le Pakistan à feu et à sang. Son successeur, Asif Ali Zardari, compagnon de Benazir Bhutto assassinée dans un attentat terroriste, a accéléré la tendance. Depuis son arrivée au pouvoir en février 2008, le nouveau président pakistanais a entamé un changement de stratégie en matière de guerre contre le terrorisme. L'approche est différente de celle de Pervez Musharraf. Tout en maintenant la pression sur les islamistes, jusque dans leur fief : les zones tribales qui constituent la base arrière et des talibans afghans et des activistes pakistanais, le successeur de Musharraf a décidé d'engager des négociations avec les chefs des tribus pachtounes, qui sont de plus en plus islamisés et qui soutiennent les talibans. L'objectif est de ramener la paix et la sécurité dans cette région pour combattre Al-Qaïda. Mais cette politique n'est pas du goût des Etats-Unis pour qui la guerre contre le terrorisme doit être fondée sur une stratégie militaire : il faut détruire les bases arrière des talibans au Pakistan, et c'est un objectif que partage également le nouveau président des Etats-Unis. Barack Obama, qui va succéder au va-t-en guerre Bush, risque même d'aggraver la situation. Pour le premier président américain noir, le poids de la guerre en Irak sera déporté sur l'Afghanistan. Pour le Pakistan, cela se traduit par davantage de pressions. Son gouvernement est obligé d'engager une guerre totale dans les zones tribales. Depuis le 11 septembre, les Etats-Unis font pression sur ce pays pour lutter contre le terrorisme, et la pression est à la fois économique et militaire. Le Pakistan est un pays fragile et extrêmement dépendant des Etats-Unis. Aujourd'hui, les raids menés par l'armée américaine sur le territoire pakistanais mettent le gouvernement en difficulté, car ils donnent des arguments aux activistes islamistes qui reprochent au pouvoir de ne pas protéger l'intégrité territoriale du pays. Islamabad convoque à chaque fois l'ambassadeur américain et les autorités pakistanaises ne peuvent pas faire plus. Alors, pour contraindre Washington à de meilleures dispositions à son égard, le gouvernement pakistanais menace de dégarnir ses forces militaires en place dans les zones tribales, c'est-à-dire mettre un frein à la guerre contre le terrorisme. Islamabad, face aux accusations de New Delhi, menace de déplacer 100 000 militaires des zones de la guerre antiterroriste vers les frontières avec l'Inde. Les Hindous sont persuadés qu'Islamabad est derrière les attentats de Bombay au motif que le groupe Lashkar e Taiba, antérieur à Al-Qaïda, a été créé dans les années 1990 et encouragé par l'armée pakistanaise, dans le contexte de la lutte pour le Cachemire. Pourtant, sous la pression des Etats-Unis, le Pakistan a interdit ce mouvement islamiste et le groupe islamiste s'est scindé en deux : une partie a fondé l'organisation caritative Jamaat-ud-Dawa et une autre a rejoint les talibans dans la zone tribale. La question pour l'Inde est que le gouvernement pakistanais doit prendre des mesures radicales contre les islamistes. Mais celui-ci doit compter sur l'armée qui estime que les intérêts, la stabilité et la sécurité du Pakistan sont liés à la question afghane et à celle du Cachemire, que le pays ne doit rien céder sur ces deux volets. Il faut rappeler que dans le dossier du Cachemire, pierre d'achoppement et de conflit indo-pakistanais, les négociations ont été menées depuis 2003 au profit de l'Inde et que la résolution de l'ONU appelant à un vote d'autodétermination des Cachemiris n'a jamais été appliquée. Tant qu'il n'y aura pas de solution au Cachemire, il ne faut pas espérer que les relations se normalisent entre l'Inde et le Pakistan. D. Bouatta