Prenant le jet de chaussures dont il a été victime à Bagdad avec philosophie, le président américain demande aux autorités irakiennes de ne pas réagir avec excès, au même titre que de nombreuses organisations internationales, au moment où la justice de ce pays compte en faire un exemple à travers une condamnation sévère. Présenté hier devant un juge d'instruction, le journaliste irakien Mountazer al-Zaïdi, qui avait lancé sa paire de souliers contre le président américain lors d'une conférence de presse à Bagdad, encourt une peine d'emprisonnement de quinze ans de prison pour ce délit, a indiqué le porte-parole de la justice irakienne, Abdoul Satar Birkadr. Selon la même source, il restera incarcéré jusqu'à la fin de l'enquête. Il est poursuivi pour insulte publique à un chef d'Etat étranger, un crime passible de deux ans de prison, a déclaré l'avocat Ali Ahmed Mansour. Cette sévérité de la justice irakienne contraste avec la position de George Bush, la victime, lequel interrogé par la chaîne de télévision américaine ABC sur le sort de son agresseur a répondu : "Je ne sais pas ce que les autorités irakiennes vont faire. Mais elles ne doivent pas réagir avec excès." "Cela a été l'un des moments les plus bizarres de ma présidence ! J'étais prêt à répondre à des questions de la part d'une presse libre, dans un Irak démocratique, et ce gars se lève et me jette une chaussure. C'était une façon intéressante de s'exprimer... ", a-t-il ironisé sur un ton impassible et en ne manifestant aucune rancune. Cela étant, Reporters sans frontières (RSF) réclame la libération et la "clémence" pour Mountazer al-Zaïdi, le journaliste irakien qui a lancé ses chaussures sur le président américain George W. Bush, mercredi dans un communiqué. Tout en soulignant "ne pas approuver ce genre de comportement", RSF appelle à la libération du journaliste "pour des raisons humanitaires et afin d'apaiser les tensions". Par ailleurs, elle ajoute : "Vu les controverses engendrées par cet incident, nous demandons aux services de sécurité irakiens de garantir l'intégrité physique du journaliste qui a visiblement été blessé lors de son interpellation." En outre, la Fédération internationale des journalistes (FIJ) estime que "le reporter qui lança ses chaussures au président des Etats-Unis, George Bush, pour protester contre les actions de l'Amérique en Irak, doit être relâché. Sa protestation, selon la FIJ, ne fait que refléter la colère profonde pour le traitement subi par les civils irakiens pendant quatre ans d'occupation américaine dont les journalistes ont été des victimes majeures". "Ce journaliste voulait exprimer ses propres convictions et même si nous ne pouvons pas excuser ses actions", a déclaré Aidan White, secrétaire général de la FIJ. "Après des années d'intimidation, de mauvais traitements et d'assassinats non élucidés de la part des soldats états-uniens, nous ne sommes pas surpris de cette colère et du ressentiment des journalistes", a-t-il également souligné. D'après la FIJ : "Ce n'est pas une coïncidence de voir que cette protestation arrive seulement quelques jours après le refus de la part des Etats-Unis de relâcher un journaliste détenu malgré l'ordre en sa faveur d'un tribunal irakien. Quand les Etats-Unis défient la loi en Irak, nous ne pouvons pas nous étonner de voir les journalistes utiliser d'autres formes de protestation contre l'injustice." Enfin, la FIJ met en garde contre les menaces que ce journaliste pourrait subir pendant son arrestation si l'on tient compte des cas de mauvais traitements des journalistes qui ont été détenus préalablement par les forces des Etats-Unis. Nous soutenons notre affilié, le Syndicat irakien des journalistes (SIJ), qui a appelé à la libération de Mountazer El-Zaïdi pour garantir sa sécurité. Merzak T.