Les films projetés mercredi et jeudi, en compétition officielle, ont presque tous – et qu'importe la nationalité -abordé les thèmes de la guerre et de la religion. L'Algérie a été dignement représentée par Sabrina Draoui et son court Goulili, chaleureusement accueilli. Entamée par une leçon de cinéma, dispensée par le directeur photo algérien Allel Yahiaoui, autour de “la lumière qui habille le sens”, la deuxième journée de la compétition, mercredi dernier, s'est distinguée par la projection de 7 courts métrages en compétition, dont trois se sont réellement dégagés du lot, à savoir Hawas el omq (l'obsession de la profondeur), du réalisateur égyptien Oussama Al Abd, Leïlat el-Aïd (la nuit de l'Aïd), du Tunisien Ashraf Laâmar, et Goulili, de l'Algérienne Sabrina Draoui. Cette dernière traite dans son premier court métrage de la schizophrénie qui touche des femmes en Algérie, prises entre deux feux, coincées entre la religion et l'émancipation, entre l'amour de Dieu et l'amour de la chair. Sabrina Draoui ose s'attaquer à la religion. Et avec une belle audace. Le jeune réalisateur tunisien Ashraf Laâmar, qui a également présenté son premier court métrage Leïlat el-Aïd, a imaginé un dialogue entre un vieil homme et l'ange de la mort. Le court met à nu l'être humain et révèle ses faiblesses, entre hypocrisie, peur, médiocrité et passion pour la vie. Leïlat el-Aïd fait allusion également à l'exécution… au “sacrifice” de l'ancien président irakien Saddam Hussein.Faisant penser dans sa première partie au film français le Fabuleux destin d'Amélie Poulain, le court métrage d'Oussama Al Abd, intitulé Hawas el omq, change complètement de cadre et de vision dans sa deuxième partie. En effet, après avoir introduit son spectateur dans la vie enchantée d'une jeune peintre, le réalisateur change de donne et fait basculer la jeune fille dans un cauchemar, sous prétexte qu'elle manque de profondeur. Risible dans un monde où tout est artificiel… Courir aux courts ! Jeudi dernier, le programme était dense. Après une leçon de cinéma autour du cadre comme instrument psychologique dispensée par le réalisateur marocain Daoud Wlad Essayed, et qui aura permis à beaucoup de personnes présentes d'appréhender le cinéma autrement, la compétition officielle a démarré avec 8 courts métrages projetés successivement. Pénible manœuvre certes, mais plusieurs coups de cœur. Le premier est Lullaby for a Boy (libellule pour un garçon), du réalisateur serbe Milos Pusic, qui a traité avec beaucoup de violence… de la violence dans les Balkans, à travers l'histoire d'un homme qui torture un jeune militant politique, tandis que son propre enfant agonise. Milos Pusic s'adresse à la nature bestiale de l'homme et en même temps pose une question fatidique : qu'y a-t-il au-delà de la violence et de la guerre pour des êtres pris dans un engrenage ? Des traumatismes, des remords… de l'espoir. Surmonter la guerre mais apprendre à vivre sont le grand défi des survivants. The View, des réalisateurs jordaniens Rifqi Assaf et Hazim Bitar, met en scène un sniper israélien qui guette un couple palestinien. La grande trouvaille du film, c'est qu'il joue sur le contraste entre la langue hébraïque sur un fond de Coran. La faiblesse de The View réside dans la quête implicite et en même temps évidente des cinéastes à humaniser une abomination nommée guerre. Malgré les imperfections et les défauts techniques, l'idée du réalisateur syrien Joud Saïd dans son court métrage Wadaân (adieu) est pertinente et intéressante. Il rend hommage au grand cinéaste Ingmar Bergmann et évoque l'impact du cinéma sur l'homme. Deux amis découvrent le monde extraordinaire du cinéma qui permet de croire en l'impossible, mais c'est compter sans la guerre qui change et blase les deux protagonistes Pour sa part, l'Algérie a été représentée par le réalisateur de la nouvelle génération (également producteur) Mounes Khemmar, qui signe avec Kima nahla (comme l'abeille) son 2e court métrage. Expérimental, le film ne comporte pas de dialogue et tente à travers une abeille qui pénètre l'intérieur des maisons de “pincer” notre monde : guerres, crise financière, mondialisation… Le film dure trois petites minutes et le message n'est malheureusement pas aussi évident que Mounes Khemmar l'aurait voulu.Par ailleurs, on aura vu lors de ces deux journées l'intérêt que cultivent les cinéastes, présents en compétition, pour la guerre : un traumatisme est toujours le fruit amer de la bêtise humaine. Le jury enfin connu Lors de la journée de jeudi, le jury de la Caméra d'Or, dont la composition est restée secrète jusque-là, a été présenté. Il est composé du réalisateur marocain Daoud Wlad Essayed, du directeur photo algérien Allel Yahiaoui, et du journaliste au quotidien arabophone El Youm, Nabil Hadji. Pour rappel, ce prix nouvellement instauré récompensera, le soir de la clôture, le meilleur film algérien en compétition ou en dehors (au panorama). S. Kh.