La semaine passée s'est achevée la 151e Réunion extraordinaire de l'OPEP qui s'est tenue deux jours durant à Oran avec, à la clé, une visite d'inspection du président, faisant de la capitale de l'Ouest une véritable forteresse. Ce double événement a nécessité une mobilisation sans pareille, sur tous les plans pour offrir l'image d'une ville mirage, sécurisée, capable de faire pousser de la pelouse et de réaliser des compositions florales sur les places en un temps record, où les voies et chaussée se découvrent tels des tapis de velours , où la pluie est bienfaitrice et ne piègent plus les automobilistes et les citoyens. D'ailleurs ces derniers, mis à part ceux qui ont été retenus pour habiller le parcours présidentiel, sont restés ces deux jours, les pieds dans l'eau, les pieds dans la boue dans leurs quartiers derrière les boulevards qui ont eu droit à un lifting de circonstance. Car en effet, alors qu'Oran se rêvait au cœur de la tourmente mondiale financière, les Oranais eux poursuivaient leurs nuits noires cauchemardesques, l'oreille et tous leurs autres sens en éveil, guettant le moindre craquement dans les murs, les plafonds, pour être prêts à évacuer les lieux avec femmes et enfants, leurs jambes à leurs trousses. Depuis le début de l'hiver, l'on dénombre quotidiennement des effondrements partiels de vieux immeubles vétustes, pratiquement aucun quartier ancien n'est épargné : Hamri, El Derb, Bel Air, Sid El Houari, Gambetta, etc. Alors que se déroulait au Sheraton la réunion de l' OPEP, avec sa bousculade des journalistes agenciers, s'agrippant s'étripant presque, la Protection civile a dû intervenir à maintes reprises suite à des effondrements ayant provoqué des blessures à plusieurs occupants qui ont été évacués aux UMC. Peu de jours avant, des familles, devant la menace réelle de voir leurs immeubles s'écrouler sur eux comme un vulgaire château de cartes, avaient choisi de passer la nuit dehors malgré le vent glacial, les températures en dessous des 6°. Le matin transis, mais en vie, ils rejoignent leurs murs, comme s'ils avaient gagné un sursis de plus. Trois personnes depuis le début de l'année n'ont pas eu droit à ce sursis et sont décédées sous des effondrements ! Dans les quartiers populaires, ceinturant le centre-ville, le quotidien est fait de bataille contre les eaux de pluie, la boue qui envahissent les rues, les rez-de- chaussée, les eaux usées qui débordent et empestent. C'est aussi et encore un combat quotidien pour parvenir à se chauffer et à lutter contre l'hiver. Fin 2008, des centaines pour ne pas dire des milliers d'Oranais attendent toujours le raccordement au gaz de ville. Et que dire, de ces pères et mères de famille qui en fin de journée, aux abords des marchés, se disputent les restes des légumes, jetés à même le sol, pour récupérer qui une tomate, une patate, un oignon pourris, mais qui pour eux et leurs enfants apaisera un temps la douleur de leur ventre vide. Ou encore que dire des baraques de tôle qui émergent en un week-en, en une nuit et dont les occupants sont accusés tous sans distinction de vouloir faire du business avec les logements sociaux distribués par les pouvoirs locaux … Les cours du brut, les enjeux économiques et géopolitiques de l'adhésion de la Russie ou non à l' OPEP ont paru si loin de la population oranaise… Comme cette image furtive d'un jeune homme debout sur les falaises, tournant le dos au Sheraton et faisant face à la mer, son regard dépassant la ligne de l'horizon…C'est plus que n'importe quel discours. DJAMILA LOUKIL