Il n'y avait pas foule hier au cimetière El-Alia, à l'est d'Alger, notre “Arlington” à nous. À peine une cinquantaine de personnes, pour la plupart d'illustres anonymes, parmi lesquelles deux ou trois femmes dont l'épouse du défunt président Houari Boumediene, un représentant de la Rasd, un ancien ministre sorti des “archives”, Abdelhafid Amokrane, ancien officier de la wilaya III et l'inénarrable Mahieddine Amimour, ancien ministre également, et quelques représentants de l'Unja dans ses deux tendances, et de l'Unea, venus commémorer, à l'appel de l'association Machaâl Echahid, le trentième anniversaire de la mort du président Boumediene et le 51e anniversaire de la mort de Abane Ramdane, le Jean Moulin algérien, principal architecte de la révolution. Aucun représentant de l'Etat algérien, pas même un ministre, n'a pointé du nez. “Peut-être que la presse ne parle pas. Les partis politiques ont failli à leur devoir d'éducation de la population et les organisations de masse ont failli à leur devoir”, tente d'expliquer, dans un langage sorti tout droit des années soixante-dix, l'ex-ministre, Abdelhafid Amokrane. Mais, c'est à l'Etat qu'il appartient le rôle d'enseigner l'histoire, fait-on observer à l'ex-ministre. “Ces organisations qui ont failli à leur rôle d'éducation, basée sur le vrai militantisme, auraient dû mobiliser leurs militants pour assister à ce genre de cérémonies”, dit-il avant de concéder que “l'Etat avait un rôle à jouer”. Après le rituel du dépôt de gerbes de fleurs, un ami du défunt prend la parole pour louer les vertus de l'ex-président controversé. Une voix jaillit alors pour lui demander d'arrêter son discours et d'aller d'abord déposer une gerbe de fleurs sur la sépulture de Abane Ramdane. Tandis que Abdelhafid Amokrane, qui a connu le défunt tué par les siens au Maroc, rappelait, au pied de sa sépulture, que Abane avait donné “des perspectives politiques et militaires” à la révolution, Mme Anissa Boumediene, coiffée d'un foulard, les yeux couverts de lunettes noires, répondait, à quelques mètres de là, devant la tombe de son ex-époux, aux sollicitations, qui pour des photos souvenirs, qui pour une signature. Alors qu'on commençait à se disperser, Mahieddine Amimour arrive avec un léger retard et se prête volontiers aux photos souvenirs au pied de la tombe de Boumediene. On apprendra de la bouche de l'ex-ministre que si les ossements des défunts sont dirigés vers La Mecque, selon le rite musulman, tel n'est pas le cas de certaines… sépultures. Dans son compte rendu de la commémoration, l'agence officielle (APS) n'a même pas mentionné l'hommage rendu à Abane Ramdane. Karim Kebir