Le conflit gazier, qui oppose la Russie à l'Ukraine, va pousser Moscou à chercher de nouvelles voies d'acheminement de ses exportations d'énergie, à bonne distance des frictions entre l'ex-puissance impériale soviétique et ses anciens vassaux. Moscou et Kiev s'accusent mutuellement sur la place publique d'être responsables de la coupure de l'approvisionnement de l'Ukraine en gaz naturel russe. Cette dispute, qui affecte les clients situés en aval, illustre la dépendance de Moscou et de ses clients d'Europe occidentale à un gazoduc. Le différend “ne se contentera pas d'avoir un impact sur les infrastructures d'exportation de gaz”, mais il encouragera aussi la Russie à rechercher de nouvelles routes d'exportation pour son pétrole, a estimé un expert basé à Moscou, Valeri Nesterov, de la société d'investissement Troïka Dialog. “La Russie fera tout pour se donner une plus grande marge de manœuvre” en construisant de nouvelles infrastructures, a-t-il déclaré. Depuis que la crise a éclaté avec la coupure de l'approvisionnement en gaz du marché ukrainien dans la matinée du 1er janvier après des négociations infructueuses sur le tarif prévu pour 2009 et sur des arriérés de paiement, les responsables russes multiplient les allusions à des chemins de remplacement tels que le Bélarus, au nord de l'Ukraine. De telles options sont actuellement limitées, mais des projets gigantesques sont en cours pour acheminer les précieuses molécules vers l'Union européenne ou les nouveaux clients asiatiques comme la Chine. Craignant de dépendre de l'Ukraine ou du Bélarus, la Russie place ses espoirs dans deux gazoducs sous-marins qui achemineraient du gaz l'un par le nord à travers la mer Baltique vers l'Allemagne et les Pays-Bas, l'autre par la mer Noire vers la Bulgarie, l'Italie et l'Autriche. Pourtant ces deux projets, Nord Stream et South Stream, ne sont pas la panacée et demandent une diplomatie empreinte de tact, ce qui n'est pas le point fort de Moscou, notent les analystes. Le projet South Stream, que la Russie développe avec le géant italien ENI, pourrait s'avérer délicat, non seulement parce qu'il passe à travers la zone économique ukrainienne, mais aussi en raison de la concurrence d'autres fournisseurs potentiels de gaz comme l'Egypte et l'Irak, estiment les analystes. De son côté, Nord Stream, un projet commun du russe Gazprom et des allemands Basf et EON, a été critiqué par la Pologne et les Etats baltes inquiets de son impact éventuel sur l'environnement et qui y voient aussi la volonté de Moscou de contourner des pays particulièrement méfiants à l'égard du Kremlin. Néanmoins, M. Nesterov voit en Nord Stream le projet ayant le plus de chances d'être achevé au moment où le géant russe du gaz va devoir réduire ses ambitions sous l'effet de la baisse des prix du gaz et du pétrole sur le marché mondial. “Je crois en l'avenir de ce projet, en dépit des retards”, a assuré M. Nesterov. La construction du gazoduc Nord Stream doit démarrer en 2009 et s'achever fin 2011.