“C'est tout cela E-dzâyêr La perle Blanche Merveille toute mouillée en ses dessous Trop discrète au fard de jour Pour être honnête épouse d'un seul Bon Dieu Mais une fois là plus envie de débouler (…)” Ces vers sont extraits du sixième livre de Abderrahmane Djelfaoui, Ô ville de cent lieux, ville noire. Un recueil de poésie dédiée à Alger. Alger la blanche, El Djazaïr Beni Mezghena. Alger, l'ensorceleuse. Alger l'enchanteresse. Auteur de plusieurs ouvrages (Bab el Oued ville ouverte, 1996 ; Les Maqamat de Jean-Paul Grangaud, 2000 ; Après sinistre déluge, 2002 ; Algeri separazione, 2002 et Nedjai à Nedjai, 2007), l'auteur fait partie de l'élite intellectuelle de l'Algérie indépendante. Né en 1950 à Alger, où il y fit des études en sociologie, il a, à son actif, plusieurs casquettes : animateur à la Cinémathèque algérienne, cinéaste, documentariste, journaliste, puis rédacteur des revues Parking Nomade et 12x2 Poésie contemporaine des deux rives. Il initia aussi plusieurs rencontres internationales à Alger et Adrar. Aujourd'hui, Abderrahmane Djelfaoui nous revient avec un ouvrage très particulier : une poésie émanant de la rue. Sa muse ? Alger et tout ce qu'elle contient. Alger qui l'a vu naître. “Alger, la ville où j'ai eu des amours, des enfants (…) que j'ai voulu voir autrement”, nous révélera l'auteur. En fait, à travers ce recueil, l'auteur invite le lecteur à une promenade dont lui seul connaît l'itinéraire. Il est l'unique guide. Au fil des mots, au fil des pages, le lecteur se laisse transporter dans le dédale d'une ville belle, une ville bercée d'illusions et de désillusions, une ville meurtrie, mais toujours accueillante et chaleureuse. Malgré ses tourments et son quotidien imprévisible. Structurée en cahiers multiples (respectant une certaine chronologie), l'œuvre est construite de poèmes qui sont, selon l'auteur, des petites pièces très concises abordant “un détail, une ambiance, un vécu, des choses vues”. Ces poèmes ont été écrits entre 2002 et 2004, dont certains ont déjà été publiés dans certaines revues. Ils font référence à une période bien précise de la vie de l'auteur. Certains d'entre eux ont été “corrigés” pour cette publication. “Un travail de fourmi sur la forme”. Ô ville de cent lieux, ville noire est ce miroir dans lequel le lecteur peut “voir” défiler différentes images ayant marqué le quotidien d'un homme amoureux de sa ville. Des images qui ne sont pas si noires que cela. C'est aussi une fenêtre grande ouverte sur l'auteur et, en quelque sorte, une mise à nu pour le lecteur. C'est le recueil de la maturité de Abderrahmane Djelfaoui. Au fil des mots, au fil des pages, l'auteur se dévoile, ouvre son cœur, donne libre cours à ses sentiments. Une mise à nu sans crier gare… Alger est dévoilée, disséquée à travers un vécu, un regard, un amour. Avec une écriture “épurée”, mais forte en sentiments et images, le recueil interpelle notre sensibilité. Peut-on rester insensible au cri d'amour et de détresse du fol amoureux d'Alger ? Amine IDJER Ô ville de cent lieux, ville noire de Abderrahmane Djelfaoui, éditions Espace libre, 300 DA, Alger 2008