Si l'archaïsme et l'immobilisme des arabes persistent, il ne faut pas s'attendre à ce que la politique étrangère américaine change avec l'arrivée de Barack Obama. Tel a été, en quelque sorte, le message qu'a voulu adresser le professeur algérien Hammoud Salhi, lors de la conférence qu'il a animée, hier, au centre Echâab des études stratégiques. “Avant le début des attaques israéliennes, Obama parlait chaque jour, et dès qu'elles ont commencées, il s'est tu, arguant du fait qu'il y avait un président en place !” Une attitude que le professeur explique par les pressions du lobby israélien sur le président élu. Une réalité que personne ne peut nier, mais qui semble, pour le conférencier, loin d'être une fatalité. “Je suis de nature optimiste”, dira-t-il en essayant d'éclairer les présents sur les “atouts” que les arabes doivent utiliser. Pour cela, il s'“appuiera” sur la composante de l'équipe d'Obama. Il n'hésitera pas à vanter les qualités du futur conseiller à la sécurité nationale, James Jones, ou encore de Susan Rice, future ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU. Mais c'est la future remplaçante de Condolezza Rice au département d'état, Hilary Clinton, qui semble être le meilleur “appui” pour Hammoud Salhi : “il faut distinguer en elle trois personnalités : celle de la première dame du temps où son mari était président ; une période où elle n'avait pas caché son soutien aux palestinien, surtout qu'elle avait pour amie la femme de Yasser Arafat. La seconde, c'est celle de sénatrice de New York où elle n'avait pas caché son soutien sans ambiguïté au lobby sioniste et enfin son statut de ministre des affaires étrangères et c'est autre chose. Elle a de l'expérience et les arabes doivent en profiter.” D'ailleurs, tout au long de la conférence, le professeur a répété à plusieurs reprises que les arabes doivent profiter de toutes les situations. Pour lui, la manière avec laquelle le lobby arabe a été utilisé jusqu'à maintenant est à revoir de fond en comble. Pour appuyer son analyse, il citera plusieurs situations dans lesquelles les pays arabes se sont montrés carrément amateurs. Académicien qu'il est, M. Salhi ne s'est, à aucun moment, écarté d'un langage diplomatique, mais ses nuances étaient loin d'être tendres envers les régimes arabes. Il essayera de donner des “tuyaux” : “le changement escompté ne peut se réaliser qu'au niveau des employés et non par les responsables. Cela les israéliens le savent.” Il critiquera aussi la politique de communication appliquée jusqu'à maintenant. Il donnera pour cela deux “anecdotes”. La première concerne l'offre de paix arabe prônée depuis 2002, lors du sommet de la ligue arabe à Beyrouth : “300 000 dollars ont été déboursés pour la publication du texte sur certains journaux qui en même temps écrivaient tout le contraire dans les autres pages.” Il reviendra aussi à une autre anecdote qu'un journaliste américain lui avait racontée : “c'était lors d'un sommet entre Bill Clinton, Yasser Arafat et Benjamin Netanyahou. Entre les deux négociateurs, il a été convenu de ne pas faire de déclaration à la presse et de laisser cela au président américain. Cependant, Netanyahu, dès qu'il s'est retrouvé seul devant les médias, s'est fait un plaisir de lancer son message. Au même moment, Yasser Arafat, dès qu'il a été sollicité par la presse, a refusé en expliquant que c'était suite à un accord avec l'israélien. Le journaliste lui demanda alors d'allumer la télévision. Ce que fit le défunt pour voir Netanyahu en train de faire des déclarations. Qu'a fait Arafat ? Il est allé avec les autres membres de la délégation à l'hôtel pour… manger. Le lendemain, ils ont rencontré la presse, mais c'était déjà trop tard. Netanyahu avait déjà lancé le message qu'il voulait.” Un changement radical de la stratégie (quand elle existe) de lobbying arabe aux Etats-Unis est ainsi recommandé par le professeur, mais pas seulement cela. Il aborda aussi le contexte d'une façon plus globale en affirmant que “les politiques appliquées jusqu'à maintenant ont totalement échoué. Les revendications des peuples doivent être entendues”. Dans une semaine, les Etats-Unis auront rendez-vous avec l'investiture d'Obama. Ce sera aussi le début d'une ère que les arabes n'ont pas le droit de “rater”. La question palestinienne a été, bien entendu, longuement abordée lors de la conférence, même si on a noté que les massacres de Gaza ont été rarement cités (juste il “osa” pronostiquer que les attaques israéliennes prendront fin avant l'installation d'Obama à la maison-blanche). Le professeur essaya de donner sa propre analyse des attitudes d'Israël. Il a ainsi réfuté l'idée reçue, selon laquelle Israël ne négocie qu'en position de force : “au contraire, c'est à chaque fois par rapport à sa situation économique.” Il s'attardera sur des chiffres avant de dire sans ambages : “si j'étais Palestinien je ne négocierai pas.” Salim Koudil