Liberté : Comment expliquez-vous l'impuissance des Nations unies à peser sur le conflit israélo-palestinien ? Khalfa Mameri : Les Nations unies ont toujours été le reflet des forces en présence sur le plan international. Actuellement, les Etats-Unis sont pratiquement la seule puissance du monde, après l'effondrement de l'empire soviétique. En plus, s'agissant de la question du Proche-Orient, Israël est considéré comme le meilleur allié stratégique des Etats-Unis dans la région. Quelles que soient les atrocités commises, il est difficile, voire même impensable, de concevoir une condamnation d'Israël par l'Administration américaine qu'elle soit démocrate ou républicaine. Il est difficile de faire évoluer les Nations unies. Il faut donc sortir de ce cadre et repenser totalement la problématique du Moyen-Orient avec la création d'un Etat palestinien. L'Etat palestinien dans sa configuration actuelle n'est pas viable. D'un côté, il y a Gaza, qui est un mouchoir de poche, aujourd'hui sous le contrôle du Hamas, et de l'autre, la Cisjordanie truffée de colonies juives, sous l'Autorité palestinienne. Nous sommes donc actuellement en présence de deux Etats palestiniens qui n'ont pas de continuité territoriale. Ce qui se passe actuellement au Proche-Orient ne remet-il pas, encore une fois, sur le tapis, la question de la réforme des Nations unies ? Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Depuis sa création, la Charte des Nations unies a fait l'objet de tentatives de réformes qui ont cependant buté sur le préalable qui exige l'accord unanime des cinq membres permanents, à savoir les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France et la Chine. Il ne peut y avoir donc de réforme que si ces cinq membres sont d'accord. N'est-il donc pas temps de revoir, en l'occurrence, le droit de veto et envisager l'élargissement des membres permanents ? Réformer la charte de la Charte des Nations unies revient à ouvrir la boîte de Pandore. En Asie, l'entrée du Japon au Conseil de sécurité suscite les réticences de la Chine. Quel choix également entre l'Inde, le Pakistan et l'Indonésie, qui ont chacun leur raison de revendiquer leur place au sein du Conseil de sécurité en tant que membre permanent. Le problème se pose également en Afrique, entre l'Afrique du Sud, le Nigeria, l'Egypte et, pourquoi pas, l'Algérie, qui peut faire valoir son PNB, qui est le deuxième en Afrique, son étendue territoriale et sa population. En Europe, il y a une grande hypocrisie diplomatique. Dès qu'il a été question d'accès éventuel de l'Allemagne au Conseil de sécurité, l'Italie s'est aussitôt rebiffée pour dire : “Pourquoi pas nous ?” La France aussi, sans le dire, ne voit pas d'un bon œil l'adhésion de l'Allemagne au Conseil de sécurité. Pour elle, cela revient à jouer avec le feu. Même dilemme aussi en Amérique latine avec le Brésil, le Mexique, l'Argentine. Pour revenir à ce qui se passe actuellement en Palestine, comment voyez-vous l'issue de ce conflit qui a déjà fait 900 morts et plus de 4 000 blessés ? Moi, je pense que le conflit s'arrêtera dès que le nouveau président américain Barack Obama prendra ses fonctions. Il va certainement essayer de convaincre très discrètement les responsables israéliens qu'il est dans leur intérêt de favoriser la création d'un Etat palestinien viable. Aujourd'hui, ce qui est nouveau, c'est le fait que Gaza est en sécession de fait avec la Cisjordanie. Objectivement, Israël a intérêt à cesser les bombardements sur Gaza. Propos recueillis par O. Ouali