Lorsque en automne 1998, il annonce, dans un discours à la nation, qu'il allait se retirer des affaires, beaucoup s'étonnaient du geste de celui qui, quelques années plus tôt, était propulsé, au terme d'une élection mémorable, à la tête d'un pays meurtri. Le geste, dont peu à ce jour connaissent les motivations, est pourtant conforme à l'homme. Celui d'un montagnard, fidèle à la discipline militaire et qui ne s'accommode pas des compromissions. Liamine Zeroual, qui vient de décliner l'appel à candidature de ses partisans, est resté, en définitive, fidèle à lui-même. Un homme qui préfère les règles du jeu claires des dominos qu'il affectionne tant aux jeux sombres des corridors du pouvoir. “Lorsque j'ai quitté le pouvoir, c'est pour permettre l'alternance au pouvoir”, dit-il. Issu d'une famille chaouie des Aurès, de la tribu des Aït Melloul, Liamine Zeroual naît le 3 juillet 1941. Après quelques études, il rejoint le maquis à l'âge de 16 ans. À l'indépendance, comme beaucoup de sa génération, mais aussi de sa région, réputée pour la rudesse de ses hommes et de sa terre, il part poursuivre des études militaires en Egypte puis en URSS et enfin à l'école de guerre de Paris. Durant les années 1970, il dirige l'école d'application de Batna avant de rejoindre, quelques années plus tard, la prestigieuse école militaire interarmes de Cherchell en qualité de commandant. De 1982 à 1988, il commande diverses régions militaires dont Constantine et Béchar avant d'être promu par Chadli Bendjedid comme commandant des forces terrestres avec grade de général. Après une petite brouille, disait-on à l'époque, avec certains responsables, Liamine Zeroual se retrouve comme ambassadeur en Roumanie, un poste qu'il ne tarde pas à quitter pour rejoindre sa ville, Batna, pour couler des jours tranquilles. Mais ce fut pour une courte durée puisque, très vite, il est rappelé en 1993 pour occuper le poste de ministre de la défense. Confrontée à un vide constitutionnel puisque dirigée par le Haut comité d'Etat (HCE), né de l'arrêt du processus électoral, en proie à un terrorisme d'une rare violence et soumise à de grandes pressions internationales, l'Algérie décide alors de se conformer à la légalité. Aux yeux des dirigeants de l'époque, un seul homme faisait le consensus entre ceux qui voulaient une guerre totale contre le terrorisme et ceux qui plaidaient pour un “dialogue sans exclusive”, entendre avec le parti dissous, parrain politique du terrorisme d'alors : Liamine Zeroual. C'est à ce titre qu'il remporte, au terme d'un scrutin jamais connu de mémoire d'algérien, la première élection pluraliste du pays. Ferme, tenace, mais un peu réservé, l'enfant de Batna qui a eu à rencontrer les dirigeants du FIS, hostiles à toute négociation, engage une lutte sans merci contre le terrorisme. “Faites quelque chose, M. le Président”, lui dit une femme blessée lors de l'attentat du boulevard Amirouche. C'était à l'hôpital Mustapha où il était allé s'enquérir de l'état de santé des blessés. À New York, il refuse de rencontrer Jaques Chirac, un geste vécu à Paris comme un camouflet. Après la naissance du RND en 1997, un parti créé par ses proches et qui remporte au terme d'une fraude massive les élections, Zeroual se retrouve au centre d'une campagne menée par la presse contre son entourage, notamment le général Betchine. Parallèlement, des fuites organisées évoquaient des négociations secrètes entre les militaires et l'AIS, la branche armée du FIS. En septembre 1998, il annonce l'organisation d'élections présidentielles anticipées. C'était pour “permettre l'alternance”, explique-t-il aujourd'hui. Effacé depuis de la scène politique, Zeroual reste l'homme qui a affiché deux sourires : celui de sa victoire en 1995 et son passage de témoin à Bouteflika en 1999. Même s'il est sollicité, il dit avoir abandonné la politique non sans ajouter qu'il ne croit pas à l'idée de l'homme providentiel… Zeroual, voilà sans doute un homme qui sait dire non. Karim Kebir