Depuis le 14 janvier et jusqu'au 1er mars, au Vingtième Théâtre à Paris, Biyouna trône, en reine incontestée des bas-fonds de Tolède, au milieu de huit personnages, des actrices et acteurs venus d'horizons divers. La pièce est ancienne, écrite en 1499 par Fernando de Rojas, une œuvre majeure qu'on n'hésite pas à aligner à Don Juan et Don Quichotte. L'action se déroule en Espagne, à Tolède, par des temps que l'Eglise étouffe de ses innombrables tentacules… Calixte, jeune seigneur, tombe amoureux fou de Mélibée étroitement surveillée par sa famille, que sa servante Lucrecia ne quitte pas d'un seul pas. Amour à sens unique puisque la belle Mélibée (rôle interprété par Meriem Bella) reste de marbre. Calixte, éconduit, devient littéralement fou de désespoir et ne sait que faire pour arriver à réaliser ses rêves d'amoureux… Il reste une seule solution : faire appel à la Célestine. C'est un personnage à facettes multiples, sorcière, magicienne, entremetteuse, tenancière d'une maison close… Sans scrupules, sans état d'âme, elle est fière d'exhiber son palmarès : “5000 pucelages perdus et retrouvés”, fière de son rôle dans la société : “Je suis telle que m'ont faite les vices des hommes.” Cette opportunité qui se présente, faire rencontrer deux enfants de la noblesse tolèdienne est une aubaine pour la Célestine car les temps sont durs et loin les temps où la Célestine était à la tête d'un capital (d'un cheptel ?) de “neuf filles dont la plus vieille n'a pas 21 ans et 15 la plus jeune.” Opération périlleuse que la Célestine n'hésite pas à entreprendre surtout par cupidité. À force de persévérance, de ruse, elle parvient à pénétrer dans la demeure de Mélibée qui continue à se monter réticente, insensible à la souffrance de Calixte. Ultime étape, Célestine recourt au rite de l'envoûtement qui fait mouche, le couple se réalise mais la cupidité de la Célestine se retourne contre elle : ses complices réclament leur part du butin et, devant la résistance de la maquerelle, ils l'assassinent. Meurt Calixte, également assassiné puis Mélibée se suicide ; la pièce se termine sur un drame. Les metteurs en scène, Frédérique et Henri Lanzini – fille et père, disent opter pour une “orgie de théâtre, un spectacle baroque” ; objectif atteint, qui se révèle efficace. Le spectacle est mené tambour battant dans un rythme effréné. La scène est exploitée jusque dans son dernier centimètre carré, on assiste à deux, trois tableaux simultanés qui mettent à rude épreuve l'attention et les yeux du spectateur comme dans une partie de ping-pong. Pont d'orgie du côté scénographie : la scène est nue, à l'exception d'un petit praticable en L dont la partie verticale est un écran qui s'éclaire d'un simple liseré rouge puis s'éclaire totalement, passant par diverses couleurs. Le fond de scène est également un écran blanc qui reçoit de discrètes projections d'ombres.Biyouna, notre Biyouna nationale, surnommée ici “la gainsbarre algérienne” tient le haut de l'affiche, dans tous les sens de l'expression. Son portrait, stylisé, trône, seul, sur l'affiche du spectacle avec ce port de tête altier que nous lui connaissons depuis toujours. Au long de toute la pièce, ce ton altier sera soutenu par la voix rauque de l'artiste omniprésente. Même quand on la voit courbée sur un bâton de pèlerin, elle reste debout, bien debout. Bien servie par la mise en scène et le jeu des autres comédiennes et comédiens, Biyouna apporte une signature bien personnelle à ce spectacle qu'il ne faut pas hésiter à aller voir. A. Y. La Célestine Du 14 janvier au 1er mars 2009 au VingtièmeThéâtre 7, rue des Plâtrières PARIS 20e (du mercredi au samedi à 19h30 et dimanche à 15h)