Une ville complètement fermée suite à l'appel à la grève lancé de bouche à oreille par les commerçants et des milliers d'écoliers et étudiants privés de cours. Encore une fois, la ville de Berriane, une des sept villes composant la pentapole du M'zab, située à 45 km au nord du chef-lieu de wilaya, renoue avec le spectre de la violence qui a embrasé la région, provoquant la mort de deux citoyens, des blessures à 48 autres, dont 2 gravement et d'importants dégâts matériels tant aux demeures et magasins qu'au mobilier urbain. Tout a subitement dégénéré vendredi, juste après la grande prière, lorsque des échauffourées entre citoyens des deux rites (malékite et ibadite) ont éclaté dans le quartier de baba Saâd, avant de s'étendre aux quartiers avoisinants, tels que le quartier administratif (au centre-ville) et Serâaf qui ont pris une très grave dimension vu l'ampleur des dégâts et le nombre de victimes. Des incidents ont été signalés durant toute la nuit, alors que les forces de sécurité combinées (gendarmerie nationale et police d'intervention), dépêchées et déployées en grand nombre, ont dû, en quadrillant les zones sensibles, user de grenades lacrymogènes pour repousser les assaillants, indisposant ainsi, inévitablement beaucoup de femmes et de vieillards qui ont dû être évacués vers les structures sanitaires. L'odeur de gaz moutarde est partout présente. Des dizaines de magasins ont été incendiés et pillés ainsi que des demeures, dont l'une était occupée par une vieille femme de 80 ans avec un handicapé et qui n'a dû son salut qu'à l'intervention in extremis de la population, quatre heures après le début d'incendie ayant pratiquement ravagé tout son domicile. Les rues, jonchées d'objets hétéroclites et surtout de grosses pierres, demeurent impraticables pour les véhicules. La protection civile qui a dû intervenir 52 fois, en des endroits opposés diamétralement, s'est retrouvée à un certain moment dépassée par l'ampleur et le nombre important des sinistres. Le jeune Benzaït Bachir Ben Abdelhamid, âgé de 17 ans, blessé vendredi gravement à la tête par, semble-t-il, un objet contondant, a succombé à ses blessures le jour même, ouvrant ainsi, la macabre comptabilité de ces funestes journées, avant d'être rejoint, hier, par Kerrouchi Omar, 47 ans, enseignant au CEM de filles Aïcha-Oum-El-Massakines de Kef Hamouda qui a rendu l'âme à l'hôpital, après avoir été gravement blessé. Partout des gens demandent des secours, courant dans tous les sens, les yeux hagards. Devant le siège de la sûreté de daïra, un cadre connu sur la place de Ghardaïa hurle de toutes ses forces à la face des policiers imperturbables : “Je vous rends responsables de ce qui peut advenir de mes proches qui sont assaillis par des agresseurs en ce moment à Baba Saâd”, ajoutant, en s'apercevant de notre présence : “Vous, les gens de la presse, je vous prends à témoin. Dites la vérité et informez l'opinion publique du drame qui se déroule dans cette ville au su et au vu des autorités, qui ne bougent pas le petit doigt pour venir au secours de ceux qui les appellent”, lorsqu'une femme arrivant en trombe et criant à tue-tête : “Qu'est-ce que vous attendez, ici ?! des gens sont en train d'être massacrés à l'intérieur de leur domicile et vous ne bronchez pas !” Devant le siège de la gendarmerie, véritable forteresse, une ambulance, gyrophare allumé, s'arrête, son chauffeur, déclarant transporter un malade à évacuer en toute urgence sur Alger, demanda à être escorté jusqu'à la sortie nord. Les gendarmes le dirigent vers le commissariat, affirmant que la route nationale est sous la responsabilité des policiers. Le chauffeur, insistant, réplique que les policiers lui ont dit la même chose. “Faut-il attendre que le patient allongé dans l'ambulance rende l'âme pour prendre une décision ?”, s'insurge-t-il. Devant le siège de la daïra, transformé pour la circonstance en quartier général de crise, où le wali, M. Yahia Fehim, et les responsables de la sécurité, tous présents, se sont installés et prennent les décisions en fonction des évènements en temps réel, des centaines de personnes se sont rassemblées demandant aux autorités de prendre les décisions qui s'imposent en de pareilles circonstances, très graves au demeurant. Par ailleurs, nous avons appris de sources sécuritaires que 7 personnes ont été arrêtées et qu'elles seront incessamment présentées au procureur de la République. “Jusqu'à quand allons-nous devoir vivre dans cette insécurité qui menace nos biens et nos enfants ?”, se demande Aami Bakir, avant que son compagnon n'ajoute : “Vous savez, ce problème ne trouvera de solution que si la justice fait son travail. Comment ne pas encourager l'impunité lorsque des responsables de haut niveau déclarent, dans des médias lourds, avoir procédé à l'arrestation des instigateurs et meneurs de cette tragédie avant de les retrouver dehors, libres comme le vent ?” “N'est-ce pas une prime d'état à l'égard de tous les aventuriers et pyromanes de tous bords ? Il n'y a que la justice, appliquée dans toute sa rigueur, qui puisse ramener le calme et les gens à la raison. Toute autre chose ne serait que de la pure littérature.” L. Kachemad