L'instauration d'un “gouvernement africain”, exigé par le leader libyen Mouammar El-Kadhafi était hier au centre des discussions des dirigeants du continent, qui ne s'accordent cependant pas sur les enjeux. Les chefs d'Etat devaient en principe consacrer toute leur journée d'hier à ce sujet lors du débat à huis clos ayant ouvert le 12e sommet de l'organisation continentale de 53 Etats membres, qui a pris le relais de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) en 2001. “La question du gouvernement de l'Union est bloquée pour le moment”, estime Delphine Lecoutre, chercheur française spécialisée sur l'UA et ses institutions. “Il y a un déficit clair de volonté de nombreux Etats membres, qui sont vraiment effrayés de se retrouver sous la tutelle d'un gouvernement de l'Union. Ils voudraient sauvegarder leur souveraineté par tous les moyens”, dit-elle en référence aux puissances du continent comme le Nigeria ou l'Afrique du Sud. “Le processus d'établissement d'un gouvernement de l'Union, ou d'un renforcement de la commission (de l'UA), doit être guidé par des valeurs claires, des principes et des étapes acceptées et mises en œuvre par les Etats. Mais on n'en est pas encore là”, explique-t-elle. “Nous avons tout fait pour proposer aux Etats membres un certain nombre de pistes de solutions. Si l'une est choisie par les chefs d'Etat, nous la mettrons en œuvre”, a-t-il dit. Jusqu'à présent, ce débat n'a pas porté de fruits. Tout le monde souhaite un renforcement de l'UA, mais personne ne met exactement les mêmes enjeux derrière cet objectif, et une minorité seulement d'Etats africains est prête à abandonner une part de leur récente souveraineté. L'idée d'une Afrique unie présidait à la création de l'OUA dans les années 1960 par les pères de l'indépendance après des siècles de colonisation européenne. L'UA est déjà allée beaucoup plus loin que son aïeule. N'hésitant pas à dépenser pour obtenir un soutien, au moins formel, de ses pairs, il a été rallié à ce projet des pays comme le Sénégal, le Liberia, ou le Mali. Mais pour d'autres, comme l'Ethiopie, le Kenya ou l'Afrique du Sud, qui sont majoritaires, non seulement M. Kadhafi fait partie du problème, mais le gouvernement de l'Union existe déjà avec la commission. Pour ces Etats, il suffit donc de la renforcer progressivement, ainsi que les autres institutions comme le Parlement panafricain ou la Cour de justice panafricaine, à l'instar de la construction européenne. R. I./Agences