En l'absence des autres présidents des Etats de l'Afrique du Nord, région du continent à laquelle revenait, selon la règle de l'UA, la présidence de l'instance, Mouammar Kadhafi en a été élu président pour une année. Il a fait passer le message à ses pairs qu'il entend se faire appeler “roi des rois traditionnels d'Afrique”. D'emblée, le chef de l'Etat libyen a donné un aperçu sur ses intentions en arrivant dans la capitale éthiopienne en se faisant accompagner au sommet par sept “rois” en costume traditionnel, parmi ceux qui lui ont fait allégeance comme “roi des rois traditionnels d'Afrique”. En effet, le 29 août 2008, Kadhafi s'est vu décerner ce titre lors d'une rencontre regroupant plusieurs dizaines de chefs de tribus africaines à Benghazi. Maintenant qu'il a été élu président de l'Union africaine, il entend se faire appeler par ce titre par ses pairs du continent. Son élection est due au simple fait que la règle en vigueur au sein de l'UA, dans le cadre de l'équilibre régional, la présidence revenait cette année à l'Afrique du Nord, après l'Afrique de l'Est. Et comme Mouammar Kadhafi était le seul dirigeant de sa région présent à Addis-Abeba, la présidence ne pouvait que lui échoir, même si des pays avaient tenté en vain de promouvoir une présidence d'Afrique australe. Ceci étant, de nombreuses voix africaines se sont élevées pour critiquer son élection. Une ONG congolaise, la Rencontre pour la paix et les droits de l'Homme (RPDH), estime que c'est “un mauvais message”, car, pour elle, Kadhafi “exerce un pouvoir autoritaire dans son pays”. Pour le président du Forum des organisations nationales des droits de l'Homme (Fonad) en Mauritanie, Sarr Mamadou : “L'Afrique a besoin d'un homme capable de régler ses problèmes avec pragmatisme (...) Ce qui intéresse Kadhafi, c'est le pouvoir.” Même son de cloche chez l'opposant burkinabé Hermann Yaméogo, qui a déclaré : “Il a une conception condamnable de la démocratie. Il estime qu'il faut écraser l'opposition.” Plus conciliant, le président du Mouvement burkinabé des droits de l'Homme et des peuples (MBDHP), Chrysogone Zougmoré, formule l'espoir que cette élection “peut l'aider à s'assagir”. C'est dire que les peuples du continent attendent que Kadhafi œuvre pour le développement, comme le laisse entendre ce message de son prédécesseur à la présidence de l'UA, le Tanzanien Jakaya Kikwete, qui a invité ses pairs à se consacrer davantage au développement économique “pour nous libérer de la honte qui est la nôtre d'être le continent le plus pauvre du monde”. Le leader libyen sait qu'il n'aura pas les coudées franches, d'autant plus que les dirigeants africains n'ont pas donné leur aval à son projet de “gouvernement de l'Union”. Ils ont juste accepté de changer le nom de la Commission, organe exécutif de l'UA, en l'appelant “autorité africaine”. Sachant que l'Afrique attend beaucoup de lui, Kadhafi a formulé l'espoir que son mandat serait “un temps de travail sérieux et pas seulement de mots”, n'oubliant pas d'insister sur la nécessité “de pousser l'Afrique en avant vers les Etats-Unis d'Afrique”. Il n'en demeure pas moins que cette désignation a été accueillie fraîchement en Occident, comme en témoigne cette réaction des Etats-Unis, qui se sont contentés d'affirmer qu'ils continueraient de travailler avec l'UA après l'élection de Kadhafi. “L'élection du président de l'UA est une décision qui revient à l'Union africaine”, a commenté un porte-parole du département d'Etat, Robert Wood, qui répondait à une question sur ce choix critiqué par les défenseurs des droits de l'Homme. “Au-delà de cela, je n'ai rien à dire”, s'est-il limité à dire. Merzak Tigrine