Les lions, se voyant vieillards et édentés, pacagent paisiblement dans les touffus bosquets qui surabondent sur les récipients, qui sont rivés en dessous des descentes d'eau sur les fortifications, qui formaient naguère les remparts de la cité ottomane de la Régence d'Alger. À première lecture, cela a tout l'air d'une galéjade d'exécrable aloi, bien que l'image illustre d'un trait métaphorique, autrement manifeste, ce qu'est devenu de nos jours de l'esthétique de l'héritage du bâti colonial. Pour s'en persuader, il suffit d'accorder l'instant d'une halte, un tantinet un peu d'attention aux choses simples. Oui ! Il suffit de lever de temps à autre les yeux pour admirer de l'œil expert du joaillier, les accessoires du réseau d'époque, où de ce qu'il subsiste des vestiges d'équipements de descentes d'eau, au moyen desquels dégoulinait hier l'eau de pluie qui ruisselait du balcon des boulevards Zighout-Youcef et d'Ernesto-Che-Guevara. En ce lieu-ci, l'eau, qui giclait jadis de l'étonnant procédé l'enfilade d'embrasures ou plutôt de gueules de félins, pour y être évacuée dans la canalisation qui est fixée en dessous de chaque tête d'animal, inonde de nos jours la voie ferrée et les passants de l'avenue de l'ALN (ex-Route moutonnière), en raison d'exubérants feuillages touffus qu'envahissent les vasques de la kyrielle de descentes d'eau. En effet, les réceptacles hirsutes et rangés de la sorte de sous les… “chicots” des canines ébréchées des félidés, donnent au visiteur de passage, l'irréelle vision que le roi lion de l'Atlas s'est mis à la diète. Sinon qu'il est enclin au bienfait d'un régime de fitness. Enfin et quoi qu'il en soit, l'adage populaire de tendre grand-mère sied si bien à l'illustration : “S'bâa qi ouala chikh medloul, s'bah mahgour fel ghaba” (Le lion devenu vieux, donc sans défense est la proie de tous les prédateurs). Présentement et à y bien regarder le piètre museau olivâtre des lions, cela suffit à sonner l'hallali pour y resplendir les mufles de ces témoins, sculptures de l'hydraulicien d'antan. Les esprits sont ailleurs que dans l'esthétique Aujourd'hui, force est d'admettre que les gestionnaires de la cité ont d'autres soucis, sinon de ronronnant gros matou à fouetter ! Donc et s'il en est, l'entretien des pierres de la galerie de voûtes, qui narrent l'ébauche des fortifications d'El Djazaïr de l'Alger turc du temps de l'épopée de la Régence d'Alger, n'est pas à l'ordre du jour. Et pendant tout ce temps de gâché, les hauts murs dont l'inclinaison est d'embellir l'aspect urbain de l'antique Médina d'Alger, accumulent de la suie de locomotives et des hautes cheminées de paquebots. Pis, le legs d'arcades dont la vocation originelle est de sanctuariser pour la postérité, le faste de la médina marine durant les siècles à venir, s'adjoignent à l'incomparable puissance de feu du séculaire arsenal de la Régence d'Alger. Pour y évaluer l'impact de la gabegie, autant s'accouder quelques instants au derbouz (la rampe) qui prend naissance aux confins de Bab El-Bahr (la porte de la marine) pour se prolonger jusqu'au parc Sofia via la gare ferroviaire d'Alger. De l'herbe folle sur les bornes Donc et suite à la lecture d'une tranche de vie d'antan, force est de préjuger du pire qui est à venir, notamment au ras des pavés du quartier des Drabez (les rampes) du Bastion, où pour y évaluer toute l'étendue de la légèreté environnante, il suffit d'ouvrir l'œil et le bon pour y voir d'inquiétantes fissures aux bornes des rampes qu'ont causées les branches d'une luxuriante végétation. Et si l'on n'y prend pas gare, la végétation poussera un jour ou l'autre les bornes dans le vide sidéral. Donc et subséquemment à ce tableau peu reluisant, osons tout de même une prière pour mettre un terme à la casse de bled Sidi Abderrahmane et c'est le Tout-El Djazaïr, qui répondra en chœur amen ! Sur les docks de la jetée de Kheïr Eddine Est-ce à dire que c'en est bel et bien fini de l'esthétique bâti qui meublait les dépliants de tour-operators d'ici et d'ailleurs ? Peut-être pas, puisque de l'image écornée d'aujourd'hui, il reste le murmure de l'autre oraison qu'adressaient les raïs de la légendaire “taïfa” (la marine algérienne) au mausolée du saint Sidi Betka qui était établi autrefois tout près de l'antique esplanade des Garamantes et la place dite de Bornou, soit au bord de la crique rocheuse de Bab Azzoun. Effectivement, en ce temps-là et selon de captivants témoignages du passé les… kabtan (les capitaines de la marine), se soumettaient de bonne grâce à l'obligation de rendre hommage à son tombeau, pendant qu'ils larguaient les cordages de leurs chebek (les embarcations), en direction du grand large tout en récitant en une idéale symbiose : “Bismi Allah Errahmane Errahim” (Au nom de Dieu, le Clément et Miséricordieux). Autres temps, autres mœurs où la gestion d'El-Djazaïr ne se suffisait pas de recommandations. Nazim Djebahi