Une réconciliation entre le président palestinien Mahmoud Abbas et le Hamas se heurte à la rivalité, attisée par la récente guerre à Gaza, entre deux axes régionaux : Iran-Syrie, d'un côté, Arabie Saoudite et Egypte, de l'autre, selon des experts. Après l'offensive israélienne de 22 jours qui a fait plus de 1 330 morts palestiniens, le Hamas a proclamé au milieu des ruines de Gaza une “victoire” qu'il entend mettre à profit pour obtenir une légitimité de son pouvoir dans le territoire, acquis après en avoir délogé le Fatah de Abbas lors d'un coup de force en 2007. Le Hamas, majoritaire au Parlement, est soutenu par la Syrie, siège du bureau politique du mouvement, et l'Iran, deux bêtes noires de Washington. Abbas bénéficie, lui, de l'appui de l'Egypte et de l'Arabie Saoudite, les puissances régionales alliées des Etats-Unis qui voient d'un mauvais œil tout rapprochement avec le Hamas considéré comme une organisation terroriste. Le Qatar, richissime émirat du Golfe abritant une base militaire américaine et un bureau d'intérêt israélien, s'est paradoxalement rangé du côté de l'axe Téhéran-Damas. L'influence de ce petit pays dépasse largement sa taille grâce à sa très puissante télévision panarabe, Al-Jazeera, accusée par des responsables du Fatah de servir d'organe du Hamas. C'est de Doha que le numéro un du Hamas, Khaled Mechaal, a annoncé mercredi son intention de former, avec d'autres groupes radicaux ayant pignon sur rue à Damas, une organisation pour supplanter l'historique Organisation de libération de la Palestine (OLP), dirigée par M. Abbas et reconnue comme “l'unique représentant légitime du peuple palestinien”. Cette annonce compromet sérieusement les chances de succès du dialogue interpalestinien que le Caire entend accueillir le 22 février. “Il n'y aura pas de dialogue avec quiconque rejette l'OLP”, a affirmé Abbas, dimanche soir au Caire, alors qu'à Téhéran M. Mechaal était reçu par le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei. “La région est devenue tellement polarisée que cela rend toute réconciliation interpalestinienne extrêmement difficile à réaliser”, souligne Nicolas Pelham, analyste à l'International Crisis Group. “Toutes les parties se sont emparées de la question de Gaza, devenue un point focal accentuant la polarisation. Un énorme jeu se déroule dans la région” et entrave toute entente palestinienne, ajoute-t-il. À la veille de sa diatribe contre l'OLP, Mechaal et d'autres chefs de factions palestiniennes ont été reçus par le président syrien Bachar al-Assad qui les a exhortés à “exploiter politiquement la victoire de Gaza”. Le porte-parole du Fatah Ahmad Abdelrahmane a dénoncé, sans citer la Syrie nommément, une “basse interférence dans les affaires nationales palestiniennes” et appelé “ceux qui complotent contre nous dans telle ou telle capitale à retrousser les manches et à résister pour libérer leur terre”, une allusion au plateau du Golan conquis par Israël à la Syrie, un front calme depuis 1973. Pour Zakaria al-Qaq, expert en relations internationales à l'université Al-Qods près de Jérusalem, “tant que les Arabes resteront brouillés, la réconciliation interpalestinienne sera impossible”. Selon lui, le Hamas, une émanation des Frères musulmans dont la branche égyptienne est le principal groupe d'opposition au régime du président Hosni Moubarak, “s'est tourné vers l'Iran” en raison de la méfiance manifestée par le Caire à son égard. “Les divisions palestiniennes font le jeu d'Israël puisque l'absence d'une direction palestinienne unifiée lui donne un prétexte pour ne rien céder” dans les négociations de paix, ajoute-il. R. I./Agences