“Je ne suis pas venu pour un embrigadement électoral ; je vous respecte trop pour cela”, a dit Ould Abbès aux animateurs de l'Espace franco-algérien, réunis samedi dernier à Paris. Il faut dire que, dès les premières interventions, les concernés avaient découragé le ministre contre toute tentative de détournement électoraliste de la rencontre. C'est un ministre qui, donc, convient qu'il est irrespectueux de transformer une réunion à thème en occasion électorale. Ce n'est pourtant pas le cas pour les rassemblements qui se tiennent dans le pays. Qu'ils soient suscités ou d'initiative privée, ils donnent immanquablement lieu à un communiqué d'appel ou de soutien à candidature. Faut-il donc vivre et activer à l'étranger, ou disposer d'une deuxième nationalité, pour être respecté ? Même les moudjahidine, respectables s'il en faut, ont éprouvé le procédé qui consiste à transformer le moindre forum en manifestation de soutien politique. Conviés à une rencontre historique sur le mouvement de libération, les membres de trois associations d'anciens combattants se retrouvent à participer à une réunion de soutien à un troisième mandat. Ceux qui voulaient s'en démarquer ont dû quitter la salle du centre de presse d'El Moudjahid, sans pour cela empêcher la motion d'être rendue publique. La bienveillance des responsables organiques suffit ; la base n'a, en tout état de cause, qu'à assumer une initiative à propos de laquelle elle n'a généralement pas été consultée. Les “organisations de masse” sont un passage obligé pour la défense des droits spécifiques de chaque catégorie d'ayants droit ; il est donc difficile pour leurs membres de remettre en cause leur adhésion sans renoncer à leurs droits. Qu'importe donc les oppositions individuelles ! On peut disconvenir, mais tant qu'on n'a pas les moyens de désavouer… Le pouvoir compte sur les faveurs intéressées des uns et le consentement craintif des autres. Ainsi, El Moudjahid a pu, grâce à l'enthousiasme des présents et au silence des absents, annoncer “l'appel des associations de moudjahidine à la candidature de Bouteflika”. Toute la société organisée sait donc à quoi s'en tenir : celui qui n'est pas avec nous est contre nous. Et comme, en matière de perspectives politiques, les choses sont entendues, les données du choix sont d'avance établies. Pas même l'incertitude qui oblige à la prise de risques ! En justifiant sa réserve par le respect qu'il voue au collectif de l'Espace franco-algérien, le ministre avoue candidement l'état d'esprit général des responsables quand ils supervisent de telles rencontres, en ces circonstances pré-électorales. Dans le pays, ces occasions sociales sont systématiquement exploitées pour “un embrigadement électoral” ; elles sont même le plus souvent provoquées pour la cause. Le communiqué de soutien n'est plus alors une simple résolution de cette assemblée ; il en est la raison. Si bien que la question électorale constitue l'objet presque unique de la vie publique nationale. Même les responsables le reconnaissent dans leurs moments de spontanéité. M. H.