C'est un fait, à travers le monde, les catastrophes naturelles augmentent en fréquence et en intensité. Les inondations de Bab El-Oued en 2001 et plus récemment celles qui ont frappé Ghardaïa en sont l'exemple parfait. Mais ces catastrophes auraient-elles pu être évitées ou du moins les dégâts occasionnés auraient-ils pu être limités ? Selon le directeur général de l'Agence nationale de l'aménagement du territoire ainsi que de l'Observatoire national de l'environnement et du développement durable, Bachir Slimani, ces catastrophes étaient prévisibles car des expertises émanant de bureaux d'études spécialisés avaient auguré de tels scénarios s'agissant de ces régions en particulier. “Les habitations étaient construites sur le lit d'un oued. Un bureau d'études avait déjà décrété la région à risque. Sans la digue qui avait fait barrage à la montée des eaux, la catastrophe aurait fait encore plus de dégâts”, a-t-il expliqué. À l'instar de l'Agence nationale pour le changement climatique, les deux entités que dirige M. Slimani, sont des organismes d'aide à la décision. Les recherches qui y sont menées sont censées procurer des informations aux décideurs, afin d'adapter les mesures prises aux réalités scientifiques. Ne plus être sous l'emprise de l'urgence… De son côté, Mohamed Senouci, membre du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et président d'honneur de l'ARCE (Association de recherches sur le climat et l'environnement), tout en soutenant l'idée que les décisions doivent être prises en adéquation avec les éléments scientifiques, il affirme que durant ces dernières années, les phénomènes climatiques extrêmes sont devenus plus agressifs et par voie de conséquence, plus difficiles à gérer. “Les éléments scientifiques dont nous disposons sont suffisants pour faire des projections climatiques à des horizons allant de 10 à 15 ans. Soyons clairs, ces projections indiquent une tendance future avec des résolutions de l'ordre de 100 km, donc éloignées des besoins immédiats et localisés. Néanmoins, le dernier Rapport du GIEC (2007) signale que nos régions en particulier souffriront à l'avenir d'une augmentation des phénomènes extrêmes. C'est une information stratégique qu'il s'agit d'affiner dans nos systèmes de prévision météorologique mais aussi et surtout de lier à d'autres données et informations. Malgré cela, face aux catastrophes naturelles, les gouvernements sont dans l'urgence. Par exemple, la canicule et les inondations en France ont démontré les limites et l'impuissance des régions”, a-t-il affirmé. C'est également le cas en Algérie, à chaque cataclysme, les autorités se retrouvent prises au dépourvu et agissent dans l'urgence. La population sinistrée quant à elle, dénonce “une mauvaise prise en charge”. Une coordination entre les réalités scientifiques et les centres de décision pourrait éviter, ou du moins limiter, l'ampleur des catastrophes naturelles. À ce sujet, M. Senouci se montre très clair. Selon lui, “la dimension climat devrait être intégrée aux décisions politiques et on ne doit plus en faire une question d'exception. Ce devrait être un acte normal de gestion et de gouvernance, non pas une question à la Nicolas Hulot… Il ne faut plus être sous l'emprise de l'urgence, il faut que les habitudes changent car le climat a changé. En d'autres termes, il s'agit de desserrer l'étau dans lequel sont pris les acteurs publics face aux évènements climatiques extrêmes”. Désormais, la problématique du climat est d'une telle importance qu'elle nécessite une prise en charge immédiate. Chaque Etat gagnerait à prendre ses dispositions concernant le climat et ce, au niveau de tous les secteurs. “La question est tellement importante qu'on ne peut attendre d'une conférence mondiale qu'elle règle des problèmes internes tels que des inondations”, a déclaré M. Senouci avant d'ajouter que “le monde de la recherche devrait s'emparer rapidement de ces sujets et les traduire en rapports d'expertises, sous forme de réponses à l'adresse des décideurs. Par rapport aux évènements tragiques dont nous voyons la récurrence et les effets dévastateurs, il convient de se doter d'une stratégie qui consiste d'abord à élaborer et fournir la meilleure prévision météorologique. La validité de ces produits se mesure au degré de leur incorporation dans les décisions, ce qui peut nécessiter une véritable formation des usagers et un dialogue permanent avec les secteurs concernés. Ce n'est pas suffisant. Enfin, et compte tenu de la nouvelle réalité du changement climatique dont on sait peu de choses à l'échelle locale, il faut remonter plus en amont dans la chaîne de décision. Cela exige un effort scientifique particulier au sein d'équipes fortes et pluridisciplinaires. Les capacités institutionnelles nationales en matière de formation et recherche météorologiques et climatiques doivent être impérativement évaluées et, au besoin, consolidées”. La menace est occultée car l'effort paraît insurmontable. Or, un changement des habitudes des citoyens mais aussi, une forte volonté politique sont nécessaires pour contrecarrer les effets du réchauffement climatique. “Les générations futures vivront dans un climat différent non dans l'idée du changement climatique, il y a un petit peu de résistance psychologique alors qu'il s'agit là d'un problème irréversible. Il faut essayer de mieux comprendre le futur afin de mieux l'appréhender”, a-t-il conclu. A. H.