En ce 7e anniversaire des inondations de Bab El-Oued, la problématique de la prévention face aux catastrophes naturelles est plus que d'actualité. D'autant que depuis ce funeste 10 novembre 2001, on en a connu d'autres, quasiment dans toutes les régions du pays. Depuis deux décennies, on assiste, à travers le monde, aux effets dévastateurs des catastrophes naturelles et industrielles. Les dégâts engendrés prennent des proportions de plus en plus alarmantes. En Algérie, entre séismes de Chleff, Boumerdès, explosion de gaz à Skikda, invasion acridienne et inondations de Bab El-Oued et plus récemment celles de Ghardaïa…, les conséquences néfastes des tragédies se suivent, mais se ne ressemblent pas. Compte tenu de l'ampleur des préjudices humains, financiers et environnementaux causés par ces drames, la puissance publique est interpellée et se doit d'engager une politique claire et pragmatique de prévention et de prévision de ces risques majeurs. Notre pays est confronté au moins à une douzaine de ce type de risques. Ainsi, outre les tremblements de terre, les inondations qui n'épargnent ni le nord ni le sud du pays, la désertification, les dangers technologiques et industriels, dus à l'édification d'installations électriques et chimiques dans des zones fortement urbanisées, sont les autres menaces qui guettent tous les jours que Dieu fait, notre pays. Des quartiers tels qu'El-Hamma, Hussein-Dey, El-Harrach, Oued-Smar... constituent une cible privilégiée de ce permanent danger. La concentration de la population dans ces localités expose celles-ci à la plus grande vulnérabilité. Le dénominateur commun de ces catastrophes réside dans le manque flagrant d'une politique de prévention. Les dommages provoqués par ces inondations auraient pu être évités et nettement atténués si des aménagements adéquats au niveau des différents oueds ont été réalisés. Il fallait construire de petites digues en amont des rivières pour laminer les crues, renforcer les berges et nettoyer les lits mineurs, c'est-à-dire là où l'eau coule. Mais la mesure la plus importante qui devait être prise est l'interdiction formelle d'édifier des habitations sur le lit majeur (….). Avec la volonté du bon Dieu et cette action préventive, il ne devrait pas y avoir mort d'homme ou dommages matériels de telle envergure. Les dégâts auraient pu être, du moins, limités. Les inondations restent un phénomène que l'on peut prévenir 2 ou 3 jours à l'avance à l'aide du bulletin de la météo spécial (BMS). Les collectivités locales doivent prendre de ce fait toutes les dispositions nécessaires avant l'avènement du risque. Les séismes, en revanche, sont plus difficiles, voire impossible à prévenir ni même prédire. Dans ce cas précis, seule une construction parasismique qui répond aux normes requises peut absorber l'onde sismique et éviter, par conséquent, l'effondrement de la bâtisse provoqué en quelques secondes. Etudes d'impact sur les plans de l'environnement, l'urbanisme, la concentration de la population avant chaque projet Avant de lancer un quelconque projet d'envergure tel que la grande mosquée, supposée être édifiée dans la commune de Mohammedia à quelques encablures de oued El-Harrach et de la côte est, la faculté de médecine à Châteauneuf, et de l'université de droit à Saïd-Hamdine…, il est recommandé d'engager une multitude d'études d'impact sur les plans de l'environnement, l'urbanisme, la concentration de la population. Car, si ces projets sont maintenus, une problématique très complexe va encore compliquer la situation dans laquelle se trouve la capitale, notamment en matière de circulation routière, la pollution, regroupement important de population en un lieu donné. Imaginons que 15 000 personnes se regroupent toutes ensemble dans un même endroit et à la même heure ! L'idéal aurait été de projeter ces grands ensembles sur le piémont blidéen entre Meftah, Sidi-Moussa, Larbaâ, Bouinane avec des voies d'accès aménageables. Ce qui permettrait d'aérer la capitale et de créer dans ces lieux des parcs d'attraction, de petites forêts qui constitueraient les poumons qui permettraient à Alger de mieux respirer. Implanter de manière aléatoire et irréfléchie de grands ensembles pareils, représente un risque majeur aussi important qu'un séisme. En cas de tremblement de terre de grande intensité au niveau de la côte algéroise, il serait difficile d'organiser les secours et les évacuations des populations touchées. “Nous militons pour sortir les grands ensembles de la ville”, indique le Pr Abdelkrim Chelghoum, expert en génie parasismique. Il est, pour ce spécialiste, aberrant qu'un projet de l'importance de la mosquée, composé d'un minaret, “d'une hauteur de l'équivalent de 100 étages, soit fondé sur une étude géopolitique des plus simplistes”, avoue professeur. Ailleurs, aux USA ou en Europe, pour un projet de même envergure, il est élaboré au moins une douzaine d'études liées à la géologie, la géodynamique, parasismique, géostatique par différents bureaux d'études et laboratoires afin de détecter toutes les failles, les réserves et l'aléa relatif aux diverses couches du sol en place sur une profondeur d'au moins 100 mètres. “Si cette démarche n'a pu être adoptée dans le cadre de ces grands projets à Alger, la probabilité pour que la réalisation soit stoppée à différentes phases à cause des problèmes techniques, sera très forte”, prévient Abdelkrim Chelghoum. Il cite l'exemple des “tourettes” d'El-Hamma, construites dans les années 1980, qui se sont enfoncées d'un mètre à cause d'une étude de sol erronée. Heureusement qu'un sous-sol rigide a été prévu dans ce projet et a permis un tassement vertical de ces tourettes et non leur basculement. “Si on aurait eu un basculement, les tours ressembleront à celle de Pise qui n'est utile qu'à attirer les touristes en Italie”, précise le Pr Chelghoum non sans une pointe d'humour. Badreddine KHRIS