Le monde moderne, dans sa course effrénée au développement et à l'industrialisation, a définitivement altéré l'écosystème de la planète bleue. Alors que les scientifiques se sont longtemps demandés quelles seraient les répercussions de l'activité humaine sur la vie terrestre, aujourd'hui, ils semblent tous s'être accordés sur le danger que représente le réchauffement planétaire. L'idée n'est pas nouvelle puisqu'en 1988 déjà, le Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) avait été créé à la demande des pays du G7 pour étudier la question du changement climatique. Néanmoins, un fait nouveau est apparu en 2007, lors de la présentation de son quatrième rapport : “le GIEC incrimine sans équivoque l'influence humaine”. Depuis, ce thème est au cœur de tous les débats à travers le monde. C'est d'ailleurs l'Algérie qui préside, pour deux années, le groupe Afrique pour la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Mais quelles sont les réelles répercussions du changement climatique sur l'Algérie et qu'en est-il des actions entreprises sur le terrain ? Et si actions il y a, quelle en serait la portée, étant entendu que la lutte contre le réchauffement planétaire doit impérativement être commune, mondiale et globale ? Les scientifiques l'assurent, la planète est en danger et la menace de catastrophes est tout ce qu'il y a de plus réelle. Le processus est enclenché et seul un changement radical des habitudes humaines pourrait ralentir et limiter les dégâts annoncés. L'effet de serre… L'effet de serre est souvent hâtivement désigné comme responsable du réchauffement climatique. En réalité, l'effet de serre est un phénomène naturel lié à la présence de gaz atmosphériques, tels que le dioxyde de carbone, le méthane, qui piègent le rayonnement infrarouge émis par la Terre. Cet effet de serre permet à l'atmosphère de se maintenir à une température moyenne de 15°C et sans lui, la température moyenne de la Terre serait de l'ordre de -18°C ! Ce qui inquiète actuellement la communauté scientifique est le constat d'une augmentation continue de la concentration des gaz à effet de serre, et le fait que cet accroissement résulte des activités humaines. En effet, le dioxyde de carbone est produit en très grandes quantités lors de la combustion des hydrocarbures qui constituent l'essentiel des carburants utilisés dans les centrales thermiques, pour les transports routiers, aériens et maritimes. C'est cet effet de serre additionnel, induit par les activités humaines, qui est responsable du réchauffement climatique. “La menace climatique en Algérie et en Afrique” Ainsi, conscient de la menace que représente le changement climatique en Algérie, le ministère de l'Aménagement du Territoire, de l'Environnement et du Tourisme a créé l'Agence nationale des changements climatiques (ANCC). Cet organe d'aide à la décision, dirigé par Kamel Mostefa-Kara qui, tout au long de sa carrière, s'est consacré à ce thème, vise à identifier ses effets et prévenir le gouvernement. Dans un ouvrage intitulé La Menace climatique en Algérie et en Afrique, qu'il a publié en 2008, aux éditions Dahlab, préfacé, entre autres, par M. Rahmani, il dresse un état des lieux et propose de nombreuses solutions. D'abord, M. Mostefa-Kara prédit une hausse de la température d'au moins 3°C d'ici à 2050, si l'activité humaine se stabilise au rythme actuel, ce qui ne sera sûrement pas le cas. “L'humanité ne stabilise pas ses émissions de gaz carbonique, mais continue au contraire à les accélérer. C'est à Mauna Loa, à Hawaï en 1959, qu'il a été décidé que la concentration de CO2 dans l'atmosphère sera mesurée en Parties par million (PPM). En 2006, la hausse a été de 2,33 ppm. En moyenne, elle était dans les années 2000 de 2,15 ppm par an et dans les années 1970, elle n'était encore que de 1,28 ppm. Maintenant, la concentration du CO2 dans l'atmosphère dépasse les 380 ppm”, a-t-il indiqué. De plus, il explique que “les scientifiques insistent sur le fait de stabiliser la concentration de CO2 à 450 ppm, seuil à ne pas dépasser pour éviter les catastrophes climatiques. Cette préoccupation a été au centre des débats de la 13e conférence des parties à Bali en 2007 au cours de laquelle, le Secrétaire général des Nations unies, a insisté sur l'urgence de produire d'ici 2009, un accord général sur les changements climatiques auquel pourrait se rallier toutes les nations.” “Si nous nous y prenons bien, notre combat contre le réchauffement climatique mondial pourrait en fait ouvrir la voie à une transformation écologique de l'économie mondiale qui favorise la croissance et le développement plutôt qu'elle ne le freine, comme le craignent beaucoup de dirigeants”, affirme Ban Ki-moon. Dans ce même ouvrage, il est indiqué que “l'examen des températures, en Algérie, pour les périodes allant de 1931 à 1960 et de 1961 à 1990 met en évidence, d'abord une hausse de température moyenne sur l'ensemble du pays au cours des saisons d'hiver et d'automne mais aussi, une hausse nette des températures minimales et maximales sur l'ensemble du nord du pays. Durant ces 20 dernières années, les températures maximales mensuelles moyennes ont augmenté plus que les minimales. Cette hausse est d'environ 2°C”. Ensuite, M. Mostefa-Kara craint que la désertification provoque la disparition de la steppe. “Chaque année, une superficie équivalente à celle de la Belgique est atteinte par la désertification qui menace sérieusement les Hauts-Plateaux”, a-t-il indiqué à l'aide de schémas. Ce problème est étroitement lié au phénomène de diminution des précipitations. D'après l'auteur de l'ouvrage, “l'examen des précipitations pour les mêmes périodes, à savoir 1931-1960 et 1961-1990, montre qu'en automne et en hiver, il y a diminution des pluies sur le nord et qu'au printemps, la pluviométrie est plus importante à l'ouest, au centre et au sud du pays. Aussi, il y a diminution des précipitations à l'est. Durant ces 20 dernières années, il y a eu environ 10% de baisse des précipitations”. Une politique intersectorielle s'impose Ces observations se traduisent, dans la vie quotidienne, par des menaces qui pèsent sur divers secteurs socioéconomiques. Selon M. Mostefa-Kara, les changements climatiques devront faire l'objet d'un plan d'action qui englobera les secteurs de l'aménagement du territoire et de l'environnement, l'énergie, l'industrie, les transports, l'eau, l'agriculture et le développement durable, les forêts, la santé, l'habitat, la pêche et les ressources halieutiques, l'éducation nationale, l'enseignement supérieur mais aussi, les collectivités locales, s'agissant de la gestion des déchets. Ainsi, il souligne la nécessité d'une politique intersectorielle globale. “Au-delà du rôle de sensibilisation sur le terrain politique, l'ANCC a pour ambition de développer des scénarios d'émission de gaz à effet de serre et des modèles climatiques représentatifs du Maghreb, en coopération avec le ministère de la Recherche scientifique, en vue de fournir aux décideurs des indications pour la planification d'une stratégie de développement du pays”, a-t-il affirmé. Il émet, néanmoins, des regrets et évoque des difficultés administratives. “L'urgence est occultée, il faut agir sans attendre. Il nous faut des facilités, qui ne sont pas d'ordre financier”, insiste-t-il. En outre, il explique que “l'urgence réside dans la formation de diplomates dans le domaine de la négociation en expertise scientifique. L'enjeu est important car si les négociations sont bien menées et le marché du carbone maîtrisé, le continent africain qui possède des quantités considérables de quotas non consommés, sachant que la tonne de CO2 peut atteindre les 50 dollars, pourrait bénéficier de financements pour de nombreux projets, ce qu'on appelle les Mécanismes de développement propres (MDP)”. Pour les professionnels du climat, ce serait une façon intelligente et propre de préparer l'après-pétrole. M. Mostefa-Kara estime même que “c'est une chance pour les pays en voie de développement de se préparer aux futurs modèles économiques et énergétiques”, allant jusqu'à dire que “la crise financière peut être un élément boosteur”. A. H.