L'article de l'ancien ministre des Finances, A. Benachenhou, intitulé “Keynes est mort”, paru dans un quotidien national il y a quelques jours, traduit la crainte d'un retour à une politique basée sur la demande non intelligible, bête et méchante, contraire à la ligne qu'il a lui-même prônée jusqu'à maintenant, basée sur l'offre, mais qui était en fait un mix des deux politiques économiques offre et demande. Jugeons-en. Politique de l'offre - Réduction des taux d'intérêt depuis plusieurs années - Réduction du nombre (VF) et des taux d'imposition - Mise en place de plusieurs institutions de micro-crédits - Mise en place de plusieurs institutions de garantie de crédits d'investissement - Deux programmes de mise à niveau (un troisième est en cours ?) - Réévaluation de la valeur nominale du dinar vis-à-vis du dollar et de l'euro - Recapitalisations répétitives des banques publiques Politique de la demande Deux programmes de relance économique avec des niveaux de dépenses d'investissement en équipements publics importants. Voilà l'essentiel des mesures. En fait, les deux vont ensemble. Car une politique économique basée sur l'offre a une portée sur le long terme. Elle signifie : - réaliser un train de mesures destinées à accroître directement les capacités de production du secteur productif intérieur afin qu'il puisse satisfaire la demande intérieure en biens et services, tout en réalisant, en même temps : - l'amélioration des soldes de la balance des paiements ; - la promotion d'une croissance soutenue et durable avec une position financière extérieure viable à travers une augmentation des exportations et une réduction de la dette à moyen terme, toutes ces choses nécessitant, donc, du temps (15 à 20 ans en général dans un pays dont les institutions fonctionnent normalement). Alors qu'une politique économique basée sur la demande est instantanée, car elle concerne l'augmentation des dépenses d'investissement et de consommation, c'est-à-dire l'absorption, par le secteur public notamment, à l'aide des dépenses budgétaires. Si on tient à privilégier l'immédiat par rapport au futur, le court terme par rapport au long terme, c'est, à mon sens, pour une raison d'ordre purement électoraliste. Je suis convaincu que l'actuelle équipe en charge de l'économie ne survivra pas au lendemain des élections. Il n'en demeure pas moins qu'à mon avis, pour obtenir une bonne politique économique, il suffirait simplement de trouver le bon mix. Car trop de dépenses budgétaires peuvent conduire à une augmentation du rythme de l'inflation et à une réévaluation de la valeur du dinar et, partant, à un déséquilibre interne et externe de l'économie à moyen et long terme, si la Banque d'Algérie ne prend pas les mesures monétaires adéquates. Et c'est d'ailleurs ce que constate cette institution en mentionnant dans son rapport de conjoncture pour le premier semestre de 2008 que le rythme d'inflation est en train de s'accélérer. Même si les prix mondiaux vont baisser en raison de la crise qui frappe actuellement toutes les économies du monde, il n'est pas évident que les prix baisseront en Algérie, comme on l'a constaté ces derniers temps à travers les statistiques douanières sur les importations en valeurs. Dans ce contexte, le pouvoir d'achat va continuer de baisser et on assistera à une pression sur les salaires, ce qui risquera de conduire à une plus grande accélération de l'inflation qu'il faudra corriger par des mesures monétaires qui ne pourront conduire qu'à un arrêt de l'investissement, déjà entamé pour les investissements directs par les dernières mesures prises par le Premier ministre. À ces problèmes il y a lieu d'ajouter : - la distorsion des prix et, partant, la mauvaise allocation des ressources qui en résultera ; - le problème du chômage qui n'a diminué que grâce à l'emploi soutenu par les programmes budgétisés et qui risque de nouveau d'augmenter en cas de baisse continue des prix du pétrole mais surtout de l'arrivée prochaine d'une masse plus importante de demandeurs d'emploi. À considérer la pyramide des âges, on a la chair de poule. - La faible qualité de la croissance, pour utiliser une expression de Benachenhou. Si on ajoute à ce pauvre bilan la très forte dépendance de l'économie nationale des recettes des hydrocarbures, on a presque tous les ingrédients de la situation de la période 1985-1988, l'endettement et le niveau important des réserves de changes en moins. C'est-à-dire que d'ici cinq ans, c'est ce que tiendront les réserves dont le pays dispose, si les prix du pétrole se maintiennent à 30 dollars, le pays évitera peut-être d'aller au FMI mais il ne pourra pas faire l'économie d'une explosion sociale. C'était l'essentiel du message de Abdelatif Benachenhou et il n'a pas tort.